Fragment #49 - Un nouveau chemin

Nous entrons tous deux silencieusement dans l’appartement de Julian. Le trajet aussi a été bien silencieux. Je sens Julian distant et perdu depuis le début du repas… Je sais que sa mère a dû accuser le coup quand il lui a annoncé qu’il avait arrêté la fac, et pour être comédien en plus ! Dans sa bouche, rien de plus rassurant et de plus naturel : « bien sûr que oui je fais quelque chose Maman, j’écris et je joue au théâtre… » Je ne sais pas si c’est ma future maternité ou simplement mon bon sens, mais je comprends qu’une telle réponse ne rassure pas vraiment la pauvre Madame Mahogany.
Tout cela m’inquiète moi aussi. Tu vas être père Julian, et même si je trouve un petit boulot en parallèle de la fac, il faudra bien que tu m’aides… Et je doute que ce soit ta troupe de théâtre qui nous sorte de là !
Il jette les clefs nonchalamment sur la table de l’entrée, et s’affale sur son lit, comme épuisé par ce repas dominical. Je m’allonge doucement près de lui.
« Allez mon Cœur, t’inquiètes pas… Ta mère a juste besoin d’un peu de temps pour digérer la nouvelle. Je parie qu’une fois qu’elle t’aura vu sur scène, elle sera tellement fière que tout ça sera oublié !
- Je sais pas… elle avait l’air tellement déçue. »
Je regarde le tissu de mon teeshirt déjà tiré par les rondeurs que me donne ma grossesse.
« Tu sais, je crois que tout le monde va finir par le voir… si ce n’est pas déjà fait d’ailleurs.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Regarde-moi Julian, mon ventre s’arrondit de jour en jour et bientôt je ressemblerai à une grosse vache difforme ! Je pense que la moindre des choses serait qu’on l’apprenne à ta famille avant qu’ils s’en rendent compte, tu crois pas ? »
Il lève les yeux vers moi, me sourit, et me prend dans ses bras.
« Tu seras jamais une grosse vache difforme, tu seras toujours la plus belle pour moi ! »
Bon, habile changement de sujet !
Je crois qu’il va falloir parler d’autre chose au moins ce soir, histoire que lui aussi digère la réaction de sa mère.
Il passe doucement sa main sur mon ventre, comme pour sentir déjà le petit corps se développer en moi. Les femmes ont une chance folle de pouvoir porter leur enfant, et je suis heureuse d’en être une, ne serait-ce que pour ce bonheur.
Mais parfois le bonheur peut se transformer en torture, comme par exemple quand ce petit être si fragile met des coups de boules dignes de Zizou dans le ventre de maman !
« Didon elle cogne notre petite Estelle !
- Heu pardon ? Mais qu’est ce que t’as dit là ?!
- Bah quoi… je réfléchis à des prénoms, c’est normal non ?
- Heu… oui sans doute ! »
J’étais loin de me douter que tu pensais déjà à notre enfant à ce point mon petit Ange… Une fille alors selon toi ? Et Estelle… Moui… Il faudra reparler de tout ça, hein !
Mais pour l’instant je veux profiter. Profiter de cette vie qui s’offre à nous à présent, une vie à trois. Un chemin tout nouveau, que tu traces de ton doigt entre les grains de beauté de mon ventre nourricier.