Alsciaukat
| Sujet: Fragment #53 - Rien qu'une seconde de plus 12.04.08 20:01 | |
| Jeudi 8 février 2007 à Saint Avertin Et voilà. 19 ans. Je suis presque surpris d’y avoir pensé. Et pourtant, à peine levé, ça m’a frappé. Qu’est-ce que cela m’apporte ? D’aucun glorifient le fait d’avoir 18 ans, d’autres dénigrent cet âge ; mais on ne parle jamais d’avoir 19 ans. 19 ans, c’est finalement un âge sans réelle importance. Un passage entre la majorité et le cinquième de siècle. Pas plus important que l’un ou l’autre, et encore moins riche en significations. « Bon anniversaire », me dit mon portable. C’est Alexandre. Je ne sais même pas comment il sait que c’est mon anniversaire aujourd’hui ; même mon père ne me le souhaitera sans doute pas. Je ne me rappelle de cette date que parce que je suis incapable d’oublier. Il a du trouver cela dans les archives du lycée, sur une feuille où devait figurer ma date de naissance. J’étale le nutella sur la brioche, en une couche lisse et épaisse. Porte la tartine à ma bouche. Quelle perte de temps que ces contingences matérielles… Le goût ne vaut pas les précieux instants ainsi perdus. On ne devrait pouvoir manger que par plaisir. Le corps est mal fait. Je soupire entre deux bouchées. Je ressasse souvent les mêmes pensées. J’ai parfois l’impression de ne pas me renouveler. Je déteste ce sentiment horrible de me dire que je pense à un sujet duquel j’ai déjà tiré tout ce qu’il y avait à en tirer la veille. Je réutilise les mêmes arguments dans le même ordre, réagis de la même manière face à eux, et aboutis finalement à la même conclusion. L’âge n’y fait rien. A 19 ans comme à 18 je reste ainsi. Brossage de dent. Regard noir au miroir. Je n’ai jamais compris ce que pouvaient trouver les femmes aux hommes. Jusqu’à ce que j’ouvre la bouche, j’ai toujours eu énormément de succès auprès des filles, et pourtant je ne vois rien dans ce visage qui justifie cela. Des traits certes fins, presque racés, des cheveux blonds et lisses, des yeux minces et perçants. Cette paire de billes est finalement le seul élément que j’apprécie sincèrement. Le reste n’est en aucun cas comparable à un visage féminin. Marie est belle. Pourquoi n’est-ce pas d’elle que j’ai reçu un sms ? Je n’aime pas Alexandre, et plus le temps passe, plus j’ai du mal à supporter de le voir chaque fois que je vois Marie. Je me demande parfois ce qu’il pense de moi. Il a l’air de prendre goût à nos baisers. Je mime également le plaisir, mais ai finalement horreur de ce contact homosexuel. Je ne vois rien d’attirant en l’homme. Et lorsque je vois Marie embrasser Alexandre, je sens une sorte de haine meurtrière presque impérieuse qui me commande de me dresser au-dessus d’eux, et tuer ce rival de mon ombre. Et je ne dis rien. Le bus s’arrête à ma hauteur. Finalement, 19 ans, ça ne se voit pas arriver. | |
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