Altaïr
| Sujet: Fragment #45 - Statue de Métal 09.04.08 17:13 | |
| Vendredi 4 août 2006 entre le Kremlin Bicêtre et Paris Je rentre à l’aube chez Nathan. Il est toujours là, devant son ordinateur. A croire qu’il ne l’a pas quitté depuis que je suis parti retrouver Gautier. Nathan est un internaute statufié en métal. Et pourtant, par ce matin maussade, le visage de la statue se tourne vers moi et me dévisage. La tension se développe dans l’air autour de nous. Voilà qu’il me reproche de n’avoir pas dit où j’étais, de n’avoir donné aucune nouvelle en presque quarante-huit heures. Je m’emporte. Qui est-il pour me parler comme un substitut de mère ? Je n’ai pas quitté Dijon et ma famille pour venir supporter ici une nouvelle pression, de la part d’un type qui passe son temps sur des chats à la con sur Internet ! Ma fureur, aiguisée par la fatigue accumulée ces derniers jours, a peint sur mon visage des marques rouges de guerrier indien, et je crache des mots sans aucun sens. Nathan encaisse ma réplique agressive, impassible, puis se tourne face à son écran. « Si tu n’es pas content, rien ne t’oblige à rester, dit-il d’une voix froide. » Je sais que j’ai été trop loin, et que je devrais lui présenter mes excuses. Que je devrais tempérer ma colère et ne pas risquer de perdre son amitié. Mais mon orgueil se gonfle comme un poisson porc-épic et me perce le cœur. « Très bien, dis-je en me dirigeant vers ma valise. » Nathan me regarde fourrer mes affaires en tas à l’intérieur, la refermer (non sans difficultés) et partir en claquant la porte de l’appartement. Je prend l’ascenseur branlant. Sa lenteur enserre le tempo cardiaque de ma colère qui tape un rythme infernal et l’étouffe. J’ai envie de pleurer, et je donne un coup inutile contre une paroi de l’ascenseur, meurtrissant une partie de ma main pour quelques minutes. Me voilà sous l’air frais d’un vendredi bien gris, d’un mois d’août sans soleil. J’ai envie de courir, avec ma valise, sans me retourner. Comme Eurydice, je serai perdu si je tourne la tête avant d’avoir quitté cet enfer. Où aller maintenant ?
Je sonne chez Gautier. Il m’accueille avec un long baiser langoureux et passionné. Je lâche ma valise qui déverse mes affaires sur le sol. Voilà mon nouveau chez moi. | |
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