Alsciaukat
| Sujet: Fragment #107 - Un petit bar sympa 13.04.08 17:40 | |
| Samedi 15 septembre 2007 à Dijon « Il faut que tu saches au lieu d’en avoir peur, que tu saches que tu mourras un jour. » Léa se tourne vers moi et surprend mon regard. Je souris. « Je le connais par coeur, ce film, je l'ai déjà vu. Je préfère voir quelque chose dont je ne me lasse pas. » C'est niais. Mais c'est vrai. Elle me sourit à son tour, tandis que derrière elle défilent les arbres plantés de façon régulière au bord de la route.
Une haie de thuyas borde le jardin. Jérôme m'a expliqué durant le trajet que Déborah avait fait une sorte de crise et se trouvait aujourd'hui dans le coma. Nous venons lui rendre visite pour soutenir un peu sa mère qui, jour après jour, veille à son chevet. Ayez des enfants... Le jardin est minuscule, comme tous ceux des maisons qui se trouvent tout autour, toutes exactement semblables. Un cerisier tente vaguement de se dissimuler derrière un portique qui ne doit servir qu'une fois par an, lorsque viennent en visite les petits cousins, si tant est que cela arrive. L'ensemble est plutôt déprimant, malgré un temps plutôt correct. L'uniformité du quartier ne rassure guère Léa, qui n'a pas l'air particulièrement à son aise dans cette ville qu'elle ne connaît pas, chez des gens qu'elle ne connaît pas. Mais je suis là pour elle. Et je crois qu'elle apprécie Jérôme. Je me tourne vers elle et lui lance de nouveau un sourire encourageant, qu'elle me rend timidement. Nous entrons ensemble dans la maison.
Les couloirs blancs s'étendent, semés de portes, de bancs et de civières abandonnées. Léa marche derrière moi. Je regrette un peu d'avoir à l'amener ici, mais je ne peux pas non plus la laisser seule... ce soir je vais essayer de trouver un endroit sympathique où l'emmener, car je ne veux surtout pas qu'elle regrette ce voyage dans lequel je l'ai entraînée... Jérôme et la mère de Déborah entrent dans la chambre où est alitée la jeune fille dont les yeux ont laissé un souvenir si étrange en moi... je me souviens de ce fleuve tumultueux, cette puissance impérieuse qui y roulait en chavirant tout... La mère de Déborah semble parler avec une dame qui se trouvait dans la chambre. Elle va visiblement bientôt être maman. Je suis surpris de voir sortir une jeune femme de la pièce, qui manque de me percuter faute de regarder devant elle. Elle est... magnifique. Pas comme Léa, rien à voir. Mais de cette personne émane une aura étonnante de sincérité et d'amour. J'ai l'impression qu'elle se livre à tous les regards sans même en avoir conscience, qu'elle laisse ses émotions déborder. « Oups, désolée. Avec la taille de mon ventre j’ai un peu de mal à évaluer les distances ! » Directe et ouverte. Je dois faire bonne impression pour Léa, je dois avoir l'air de discuter aisément avec elle. « Pas de soucis ! Tu es une amie de Deb’ ? - Heu oui, enfin... plus ou moins oui. » J'essaie de trouver une autre question à poser, mais ses yeux m'attirent inexorablement... elle aussi possède une étincelle de vie, des formes douces et bleutées qui voguent au fond de ses prunelles sombres. Ses vêtements de grossesse lui vont à merveille, on dirait une reine sur le point d'accoucher. Elle a l'air impatiente de partir, aussi essais-je encore un peu de la retenir : « Vous êtes ensemble à la fac ? - Non non, mais excuse moi je suis super en retard, je dois filer. » Tandis qu'elle est sur le point de partir, je la retiens encore une fois. « Attends ! - Heu oui ? - Dis, on n’est pas d’ici, et on se demandait si tu ne connaîtrais pas un endroit sympa où on pourrait aller boire un coup. - Heu... Je ne sais pas vraiment, essayez le Dionysos. C’est un petit bar sympa rue Amiral Roussin... - Ok merci... » Donne moi ton prénom, au moins... « ... Lola ! Allez, à plus ! » Je me tourne vers Léa. Elle a l'air heureuse. Je crois que j'ai fait bonne impression. Je voudrais la prendre dans mes bras, mais je n'ose pas. Alors je me contente de lui faire comprendre à quel point je l'aime d'un simple regard, et je crois qu'elle me déchiffre à la perfection. Dans ses yeux à elle danse sa perpétuelle cascade d'étincelles dorées. Nous entrons dans la chambre. | |
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