Fragment #113 - Comme un test

« Bon, ben... on monte.
- D'accord, passez une bonne soirée !
- Bonne nuit si on ne redescend pas.
- Ca marche, pareil !
- Et pas de bêtise, » annonce Christelle avec une lueur d'amusement.
J'hésite à leur répliquer la même chose, mais je crois que de leur côté, cela fait bien longtemps qu'ils commettent des bêtises.
Nous sortons de la cuisine et prenons l'escalier pour regagner nos chambres. Au milieu des marches, Léa se retourne vers moi en souriant et me prend la main. Une fois parvenus en haut, nous allons dans ce qui va devenir ma chambre pour quelques jours. Simple et jolie, avec un papier peint de couleur claire, un bureau sur lequel j'ai posé mes affaires en vrac, un lit double, de fins rideaux de dentelle et une armoire incrustée dans le mur. Léa s'assied sur le lit, et je m'allonge à côté d'elle, les mains derrière la tête. Léa finit par se mettre dans la même position, et nos coudes se touchent, faisant remonter un frisson le long de mon dos.
« Tu es fatiguée ?
- Un peu. Et toi ?
- Pareil. »
Et même si ça ne paraît rien, ce simple dialogue, ces mots anodins installent vraiment la situation ; moi chez elle, tous les deux allongés l'un à côté de l'autre, nos parents en bas, le tout dans la même maison. Jérôme et moi allons dormir trois nuits ici et rentrer dimanche à Saint Avertin, c'est une sorte de test, même si l'excuse sur laquelle tout le monde s'entend est qu'il ne faut pas non plus abandonner l'autre maison à la poussière. Après, Christelle et Léa devraient venir chez nous, je ne sais pas exactement quand. Je me fiche de savoir où est-ce qu'on s'installera finalement. Je veux seulement être avec Léa.
« Tu as fait tout ton boulot avant qu'on arrive, Léa ?
- Presque, oui. Ne t'inquiète pas.
- D'accord. Tu me dis, si tu veux que je t'aide à réviser.
- D'accord. »
Elle se tourne sur le côté, appuie sa tête sur sa main, le coude planté dans le lit, me fixant.
« Tu préfères qu'on vive chez toi ou chez moi ?
- Ca m'est égal. Et toi ?
- Je ne sais pas, je crois que ça m'est égal aussi. Tu sais si Jérôme a une préférence ?
- Je crois qu'il préférera sans doute s'installer ici, notre maison de Saint Avertin lui rappelle un peu ma mère.
- Ah, je comprends... Je crois que maman aimerait justement rester ici. Enfin on verra.
- Ouaip. »
Je la regarde et lui sourie. Elle me sourit.
« On va dormir ?
- Ouaip. »
Elle se lève du lit et me tend la main pour m'aider à me redresser. Mince, on fait quoi. Je ne peux pas aller dormir avec elle dans sa chambre, je n'oserai pas. Reste, Léa, reste, je t'en supplie. Et le pire est qu'elle mène sans doute le même combat en son esprit. Mais je ne peux décemment pas lui proposer, je ne veux pas lui infliger ça. Elle ne bouge pas, me fixe.
« Euh...
- Ouaip ?
- Ben... »
Léa, tu n'hésites jamais d'habitude, tu dis toujours ce que tu penses, tu sais ce que tu fais... Vas-y...
« Bonne nuit, on se voit demain matin.
- Ouaip... Bonne nuit Léa. »
Elle s'approche et me fait une bise maladroite, un peu trop loin de la joue, pas assez prêt de la bouche. Ce n'est pas grave. On a tout notre temps. Je sourie de nouveau.
« Allez, file ! »
Elle a un rire léger et sors de la chambre en me jetant un dernier regard. Je me laisse tomber sur le lit.