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 Fragment #53 - La Peste

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Altaïr

Altaïr



Fragment #53 - La Peste Empty
MessageSujet: Fragment #53 - La Peste   Fragment #53 - La Peste Empty09.04.08 17:38

Dimanche 13 août 2006
au Kremlin Bicêtre

Chaque pression de ses pieds nus sur le sol faisait pleurer la terre des suintements de sang. Arthur arpentait la campagne en errant, seul, depuis des jours. Les griffures que lui infligeaient la nature ne tardaient pas à s’effacer, son corps issu d’une matière capable de se régénérer plus rapidement que la notre, mais ses vêtements en lambeaux l’affublaient d’un air de vagabond. Il revoyait le carnage, le corps de Bleuette tremblant, nue, puis morte. Tous ces enfants sans vie par sa faute, par son bon-vouloir. L’avait-il réellement souhaité ? Une sirène de police retentissait à l’horizon. Cet endroit reculé était en émoi, car un dieu y errait, semant la mort sur son passage. Fut un temps, se dit Arthur, les gens comme moi étaient adulés, pas traqués.

Je relève les yeux, en songeant que jamais les gens comme moi n’ont été adulés, quelle que soit l’époque. Regard circulaire autour de moi dans l’appartement de Nathan. Petite musique dub en fond sonore. Nathan sert l’apéritif, tandis que Gautier et Emilie éclatent d’un rire tonitruant. Je suis assez fasciné par Emilie. Fille extravertie et nymphomane à ses heures, mais douée d’un sens de l’humour permanent qui ne la trahit jamais. Chloé et Erick restent un peu plus en retrait. Il paraît qu’entre eux, on ne sait jamais ce qu’il en est, et il vrai qu’en cet instant, je ne saurai dire s’ils s’apprêtent à se déclarer leur flamme ou à se quitter définitivement. La retenue de leur attitude et leur position en retrait laissent place à bon nombre de supputations. Gautier s’approche de moi et dépose un baiser sur ma tempe.
« Eh, l’écrivain, et si tu lâchais ça pour la soirée ?
- J’ai l’inspiration, désolé si ça tombe ce soir. »
Sans un mot, il retourne s’asseoir auprès d’Emilie, et s’insert à nouveau dans la discussion. Je suis désolé, vraiment, mais je ne peux pas laisser filer l’inspiration comme ça. Et lorsque Nathan est là, les mots coulent tellement plus facilement... Je suis désolé si je n’arrive pas à m’insérer dans vos soirées, si je ne sais pas me glisser parmi vous. Je vous regarde, je sais si bien le faire (ne suis-je pas un dieu, après tout ?). Soudain, je replonge des semaines en arrière, jusqu’à la mi-juillet. Je suis toujours dans l’appartement de Nathan. Il a organisé une soirée entre amis et tient à me les présenter. Je ne connais encore personne sur Paris. Je salue Emilie, qui m’intimide un peu, puis Chloé, plus discrète, et Erick, qui déjà regardait Chloé étrangement, et enfin je découvre Gautier, mon Gautier. La soirée s’écoule paisiblement, au son d’un musique dub. Et puis Gautier vient vers moi, m’assaille de questions, s’intéresse à ma vie, qui je suis, et me demande mon numéro de téléphone. Ainsi, peut-être, nous pourrons nous revoir… Je suis désolé si je n’ai rien vu Gautier, j’ai été aveugle dès le premier soir. Je me sens si bête, à présent. Je ne sais même plus ce que je ressens pour toi, soit admiration, soit mépris. Mon sentiment oscille à chaque instant, me plongeant dans la plus totale déstabilisation. Nathan me tend le ramequin chargé de chips et, d’un regard, m’invite à lâcher mon cahier et mon crayon. J’obtempère. Comment fait on pour s’insérer dans un groupe de personnes ? Je tente d’être attentif à ce que raconte Emilie, je m’efforce à rire alors même que je n’en ai pas envie. Mon esprit est ailleurs, au-delà du contrôle de mon Modulateur, et Nathan n’y peut plus rien. Je me dirige vers la salle de bain, les mots coulent en moi comme de l’eau.

Arthur regardait le policier qui s’approchait de lui sans broncher. L’homme l’interpella plusieurs fois, en lui ordonnant de ne pas s’inquiéter. Il s’approchait lentement, pour ne pas effrayer le jeune oiseau immobile. Intérieurement, Arthur le suppliait de ne pas s’approcher, de ne pas venir jusqu’à lui. Mais l’homme marchait vers lui, lentement, sans le quitter des yeux, l’invitant à la confiance, mais gardant une main sur l’arme à sa ceinture. Ne venez pas jusqu’à moi, ne me touchez pas. L’homme posa une main sur l’épaule du jeune garçon. Et aussitôt, la peste se glissa dans sa peau. Elle se propagera et infiltrera vos corps, et vous conduira à la déchéance et à la putréfaction. Vos villes dégorgeront de rat et gicleront de sang. Je serai le donneur de Peste, le propagateur, l’un des Quatre Cavaliers, le joueur de flûte. Et vous périrez sous mon regard de braise.
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Fragment #53 - La Peste
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