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 Fragment #9 - La rue

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5 participants
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Wezen

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MessageSujet: Fragment #9 - La rue   Fragment #9 - La rue Empty17.06.08 19:56

Mardi 17 juin 2008
à Rouen

La rue. Bord de nationale. Un pas. Lumières de voitures. Tout droit. Platanes immenses. Alignés. Plus loin, un feu tricolore. Restaurant chinois. Maison du bonheur. Vide. Odeurs d’essence. Voitures qui sifflent. Marche droit. Aérienne. Je suis le vaisseau qui voyage dans la nuit. Mes pas sur le bitume. Mouvement mécanique des jambes. Comme sur un fil. Grande. Bord de nationale où on passe. Mais ne s’arrête pas. Camions. Immeubles fermés comme le mien. Murs sales de gaz d’échappements. Parterre de fleurs insolite. Voitures en épis sur le trottoir. Odeur d’un clochard qui me regarde. Grivois. Reste grande. Au dessus de cela. Musique qui sort d’un trou de lumière. Dans la falaise des immeubles. Des gens font la fête. Une femme cherche quelque chose dans la poubelle à côté de moi. Je n’ai rien à manger. Bonne soirée. On regarde le trou de lumière où sort la musique. Des gens vivent ensemble. Ils sont entre amis. Peut-être même qu’ils sont heureux ensemble. Je voyage seule. Anonymat de la rue. Un homme en cravate se précipite vers son trou. Femme du rez-de-chaussée qui fume à la fenêtre. Regard curieux. Concierge. Le chemin continue. Seul le bruit des moteurs. Les fenêtres fermées. Un chien promène son maître. En liberté, déversant consciencieusement le liquide jaune aux arbres et aux murs. Lumières de panneaux publicitaires. Couleurs criardes. Femme nue pour un parfum. Désolation d’une nationale de province un soir de semaine. Dernière limite de la ville. Un lampadaire éteint. Cris métalliques des roues d’un train de fret. Au loin, la zone industrielle.

Un sifflement. « Putain elle est bonne ». C’est pour moi. Des gars dans une camionnette. Jeunes de cités. J’ai peur. Je continue. Comme si de rien. Pourtant j’ai peur. Imperceptible accélération des pas. La camionnette ralentit. A ma hauteur. J’ai peur. Si ils se rendent compte que je ne suis pas une femme. J’ai peur. Et même si ils ne s’en rendent pas compte. Je continue. Ne leur donne pas un regard. « Tu montes ». Ne réponds pas, continue. Plus vite. « Tu fais quoi ce soir ? ». C’est horrible d’être une femme. Les talons me font mal. Qu’est ce qu’on fait dans ce cas pour qu’ils disparaissent ? Accélérer. S’enfuir. Dans cette rue sans espoir. Devant moi mon salut. Un bar PMU. L’atteindre. Reste quelques mètres. Je n’ose pas courir. Pourquoi ? Faire encore semblant que tout est normal. Pour quoi ? Pour qui ? Pour les clochards qui se marrent ? Pour ne pas leur montrer qu’ils sont des bourreaux ? Pour éviter de donner trop de sens à ce moment ? Eviter un ridicule que personne ne verrait. Honte de la victime. La camionnette accélère. J’entre dans le bar. Un des garçons me montre son majeur. Injurieusement.

Je m’installe au comptoir. Une bière. Le temps de trouver un moyen de me déplacer en sécurité. Des personnes entrent et sortent. Juste pour un paquet de cigarettes. Des regards qui hésitent entre le lubrique et le jugement. Ce n’est pas bien une femme comme moi ? Pourtant vos yeux voilés d’alcool m’observent. Vous croyez quoi ? Si vous saviez ce que j’ai entre les jambes. J’ai échoué ici. Ces regards là étaient indifférents quand j’étais en homme. La porte claque. Une femme très grande pénètre dans le bar. Les regards fusent sur elle. Elle maîtrise le terrain. Un bonjour sonore. Elle me lance un regard. C’est un défi. Elle ne doit pas aimer voir une femme sur son terrain de chasse. Queue de cheval. Pantalon moulant. Débardeur coloré. Bien proche de sa peau. Une proximité qui fait deviner la moiteur légère de son épiderme. Des épaules rondes. Une poitrine puissante. Pourtant pas de soutien-gorge. Elle s’approche du comptoir. Elle s’adosse. Contemple son monde. Un regard de travers pour moi. Des allures de cow-boy. Ils ont l’air de tous la connaître. Ils ne la regardent pas comme moi. Pas comme une femme. Elle raconte des histoires au barman. Des choses qu’elle a vues sur la route. Elle parle en direction du barman. Mais c’est à la salle qu’elle s’adresse. Le silence des hommes est son écho. Elle passe proche de moi. Ses tétons sont visibles à travers le tissu. Ils ont l’air dur. Un peu de ventre. Des hanches en longueur. Fière. Un regard que je ne comprends pas. Un regard qui électrise ma peau. Croiser les jambes. Dissimuler la bosse du désir.
Le barman lui interdit de fumer. Elle sort. J’appelle un taxi. Elle se retourne à travers la vitre. Nos regards se croisent. Nuage de fumée dans la nuit autour de la nymphe. Mon taxi arrive. Je sors aussi.

- Tu pars déjà ?
- Oui
- Tu as raison, ce n’est pas un endroit pour une nana comme toi ici.
- Je vais y aller.
- Si tu repasses un soir, je t’offre le verre.
- C’est gentil.
- C’est pas de la gentillesse.

Je monte dans le taxi. Je ferme la porte. Je me retourne vers elle. Elle me fixe. Droite. Un clin d’oeil. L’air de rien. Pourquoi je pars déjà ?

C’est étrange d’être une femme.
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Altaïr

Altaïr



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MessageSujet: Re: Fragment #9 - La rue   Fragment #9 - La rue Empty17.06.08 23:05

Ca me met mal à l'aise, tout ça... J'ai envie de dire "pauvre Marco", mais est-il malheureux ?
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Adhara

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MessageSujet: Re: Fragment #9 - La rue   Fragment #9 - La rue Empty19.06.08 12:11

Je ne crois pas qu'il soit malheureux du tout. Je pense qu'il redécouvre des sensations qu'il connaissait avant son "accident" (pas d'info là-dessus pour l'instant), et cette redécouverte de sensations sans doute autrefois familières est forcément étrange.
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Altaïr

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MessageSujet: Re: Fragment #9 - La rue   Fragment #9 - La rue Empty19.06.08 12:51

Pour autant, il ne respire pas le bonheur non plus, ce Marco.
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Alsciaukat

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MessageSujet: :)   Fragment #9 - La rue Empty19.06.08 13:06

Encore un chouette frag, c'est vraiment intéressant, le personnage travesti... et donc, cette deuxième nana... lesbienne ?
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Procyon

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MessageSujet: Re: Fragment #9 - La rue   Fragment #9 - La rue Empty19.06.08 23:36

Encore ces phrases courtes et nominatives, on commence à te reconnaître. C'est bien. :D
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MessageSujet: Re: Fragment #9 - La rue   Fragment #9 - La rue Empty

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