Fragment #21 - Je me suis fait avoir

Eh beh. Je suis en Afrique, au bord de l'Océan Atlantique, dans la capitale de la République du Sénégal. Ici les gens sont presque tous noirs, et la chaleur est nettement plus agréable qu'à Dijon. Ici la ville n'en finit pas, des rues et des rues et des rues à perte de vue. Des gens partout, des gens qui parlent, des gens qui crient, qui hèlent, qui rient.
J'ai découvert la maison de Charly, une espèce de baraque déglinguée où il a déjà commencé à entasser une foule d'objets et de trucs, de bidules et de machins sans but. Il les revend dans son garage, qu'il a aménagé en boutique d'antiquité.
"T'as pas l'air malade.
- Ouais, normal.
- Comment ça, normal ?
- Ben je suis pas malade, Louis.
- Hein ?
- J'ai dit ça pour te faire venir ici.
- Tu te fous de moi là ?
- Je me fous jamais de toi.
- Là, t'es en train de te foutre de moi.
- Je suis pas malade. Y a pas de cancer. Je suis bien. Fallait juste que tu viennes.
- Et pourquoi t'es pas venu à Dijon alors ?! Tu sais que j'ai laissé mon bar derrière moi, entre les mains d'une petite vieille qui sait pas y faire, juste pour venir te voir ?! Tu le sais ça ?!
- Oui, tu serais pas venu sinon. Arrête de crier. Et arrête de penser à ton bar.
- Quoi "arrête de penser à ton bar" ? J'ai dépensé une fortune pour ces billets d'avion, et je vais perdre de l'argent si je le gère pas correctement, mon bar !
- Arrête de penser à l'argent, aussi."
Je regarde mon père. Mon petit père au corps râblé, peau sèche et rouge, et vieille. Il fait pas son âge, il a de l'énergie à revendre. Mais est-ce qu'il a encore toute sa tête ?
"T'es cinglé Charly, t'as pas changé.
- Tu as changé, toi ?
- C'est pas à moi de changer.
- Je suis bien comme je suis, moi aussi.
- Je rentre à Dijon demain, tu t'es bien foutu de moi, j'ai pas que ça à faire que d'écouter tes conneries.
- Je me suis jamais foutu de toi Louis, je suis vraiment en danger de mort.
- Quoi ?
- J'ai pas de cancer, mais on cherche à m'éliminer."