Fragment #36 - Excuses ambiguës

Ma demi-journée de travail est terminée. Je rentre chez moi satisfait. Personne ne m’a ennuyé, tout s’est bien passé. Je décide de me cuisiner un wok. Je commence à préparer des poivrons, des tomates et quelques champignons pendant que cuisent les pâtes. Quelques minutes plus tard, je mêle les légumes rissolés aux spaghettis et m’attable devant une assiette joliment colorée. C’est excellent. La vaisselle me prend un peu de temps durant lequel l’odeur de l'arabica envahit la cuisine. Je m’assois dans le canapé et savoure ma clope et mon café. La table basse est envahie de livres et de cours que j’ai la flemme de ranger. Je lis quelques lignes de doit administratif mais le cœur n’y est pas.
Qu’est-ce que je peux faire ?
Je décide d’aller me promener en ville. Ce qui consiste à sortir de mon immeuble et à poser un pied sur le trottoir…
Je revêt mon trench noir et pars me balader. Je me rends aux Nouvelles Galeries et observe les gens dépenser. Le magasin est noir de monde, la foule ondule et bouscule l’inconscient qui ne resterait pas dans les rangs.
Je me rends à l’étage homme et déambule entre les rayons. Mon regard s’arrête sur un bonnet et une écharpe d’un blanc immaculé. Je les essaye pour rigoler, me regardant dans un miroir en pied.
Je décide de les ranger, de toute manière les grands froids sont passés
- Dommage ça vous va plutôt bien.
Je me retourne surpris du commentaire. Elyan se tient juste devant moi, un sourire aux lèvres.
- Tu en es certain ?
Pourquoi je lui réponds ? Ce mec n’est qu’un merdeux arrogant et puant.
- Oui certain de toute manière tout vous va.
- Merci dans ce cas…
Je reprends les accessoires et me dirige vers la caisse.
- bonne journée Elyan.
Le ton n’est pas méchant mais suffisamment indifférent pour qu’il se sente congédié.
- Attendez !
Je ne m’arrête qu’une fois placé dans la queue de l’unique caisse ouverte au rayon homme en période de solde. Elyan me rejoint sans se presser. Cependant il ne marche pas fièrement et semble avoir abandonné son air arrogant.
- Monsieur ?
Je me tourne vers lui quelque peu intrigué.
- je voulais m’excuser pour mon comportement à la rentrée. Je sais que je n’ai pas d’excuse mais j’étais un peu perturbé et je crois que j’en voulais au monde entier.
- Ce n’est pas grave, je ne sais pas comment j’aurais réagi à ton âge.
- Merci, vous faites quoi là ?
- Euh… je paye mes achats, pourquoi ?
Il rit et le voir heureux me fait sourire.
- Ça je le sais ! Je voulais dire après…
- Je comptais rentrer chez moi, j’habite à coté.
- Ça vous dirait de prendre un café avec moi ? Je sais ce n’est pas très correct mais je tiens vraiment à me faire pardonner.
- Je ne crois pas que ce soit possible Elyan. Désolé mais je ne peux pas être vu dans un café avec un élève.
- Bon, c’est pas grave une autre fois.
J’acquiesce et nous continuons de discuter : du lycée, de sa famille, de ses amis. Une fois mes achats payés nous nous dirigeons vers la sortie, non sans une réflexion de sa part à la vue de ma carte "Premier".
Elyan me force à porter le bonnet en raison d’une pluie fine mais glaçante. Il me raccompagne à ma porte et s’en va après un « au revoir » à la tonalité désappointée.
Je me surprends à sourire en voyant mon reflet dans le miroir de l’entrée.
C’est vrai qu’il me va plutôt bien ce bonnet, dommage de couper l'étiquette Versace...