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 Fragment #42 – Un demi-siècle

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2 participants
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Altaïr

Altaïr



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MessageSujet: Fragment #42 – Un demi-siècle   Fragment #42 – Un demi-siècle Empty01.02.09 21:12

Dimanche 1er février 2009
à Dijon

Aujourd'hui, j'ai cinquante ans. Et tout le monde s'en fout.
Personne ne m'a dit « joyeux anniversaire ». Ni maman, parce qu'elle est morte. Ni Charly, parce qu'il est perdu en Afrique. Ni Meryl ni Maura, parce qu'elles me détestent. Ni Léonie, clouée au lit par la grippe (si j'avais un téléphone portable ou internet, elle m'aurait envoyé un petit message, j'en suis sûr). Ni Géraldine parce qu'elle s'en fout. Ni Julian ni ses frères, qui ont dû oublier. Ni mes neveux, l'un perdu à l'armée, l'autre enfermé à l'asile. Ni les employés, qui ne travaillaient pas de la journée. Ni les habitués du bar, qui ne devaient pas savoir. Personne.
J'ai attendu, pourtant. Je n'avais pas envie de crier « c'est mon anniversaire ». J'aurais aimé que les gens me le demandent, un jour, et le notent dans leur agenda. Et pourquoi pas qu'ils préparent une fête en secret. J'aurais aimé ça, oh oui, une grosse fête pour mes cinquante ans, avec des gens partout, même des gens que je connais pas.
Ca fait un demi-siècle que je suis là, sur cette bonne vieille Terre. Cinquante ans que je me traîne entre toutes ces âmes. Est-ce que je suis satisfait de ce chemin parcouru ? Est-ce que je suis fier de moi ? Après tout, qu'est-ce que j'ai vraiment fait ?
J'ai l'impression que la mort est là, qu'elle se dresse devant mes yeux et qu'elle me regarde, prête à m'emporter. Viens donc, vieille harpie, viens boire un coup chez moi. J'ai ouvert une bouteille en rentrant, puis une autre, et encore une autre. Je sais que ce que je fais est mal, je sais que je replonge. Je peux même pas m'accorder le bénéfice de l'inconscience, parce que je sais exactement ce que je fais. Je bois pour oublier ma vie et ma solitude, je bois parce que j'ai froid. Je bois parce que je suis un homme malheureux qui a atteint plus de la moitié de sa vie. Je bois parce que j'ai peur. Je bois parce que tu me manques, maman, et que j'aimerais que Charly soit là pour être avec moi. Je bois pour replonger et pouvoir me dire que je suis alcoolique, comme avant, et que j'y peux rien, et que c'est comme ça. Je veux pas me dire que je suis fort, que je tiens bon. Je veux plus lutter, je veux m'abandonner complètement.
Une bouteille, et encore une, et encore, et encore une autre.
Je m'effondre.

On frappe à la porte. Entrez. Non, ça c'est dans ma tête. Entrez, mais entrez nom de dieu. Je suis affalé sur le parquet, je peux pas me lever pour aller ouvrir. Il fait nuit. J'entends qu'on frappe encore, et qu'on crie dans le couloir « Louis, c'est moi ». Mais merde, qui ça peut bien être ? Quelle heure il est ? Putain de gueule de bois. J'ai le crâne plein d'explosions, les yeux qui brûlent, comme s'ils voulaient sortir de leurs orbites, et la bouche sèche. Qu'est-ce que j'ai encore fait ?
On arrête de frapper à la porte. Merde, elle a dû partir. Non, reviens, je suis là, j'ai besoin de toi.
Je suis...

Elle m'a couché dans mon lit et elle me borde avec la couette, comme maman quand j'étais petit. C'est vraiment bon. Et ce parfum, qu'est-ce que c'est agréable, bon sang. Elle pose sa main sur mon front et me dit « vous avez de la fièvre ». Oui, Léonie a dû me refiler sa grippe hier, c'est sûrement ça. Pas moyen d'ouvrir les yeux. Trop mal. Elle s'éloigne, puis revient avec un gant de toilette mouillé qu'elle pose sur mes paupières. Frais. Ca fait du bien, ça. Elle commence à ramasser des bouteilles par terre et à les rassembler dans un coin. Je l'entends dire « c'est le chantier ici ». Non, pas la peine de ranger. Je veux pas que tu voies ce bordel. Je veux pas que tu voies ça de moi. Pas toi. Surtout pas toi. Mais elle range. Elle met un peu d'ordre dans l'appartement.
« Je vais aérer cinq minutes. » Elle ouvre la fenêtre. L'air froid vient tout de suite sur moi et me glace la peau. Dans ma tête, le sang cogne de toutes ses forces. Un marteau furieux dans le crâne.
« C'est dommage que vous soyez dans cet état là, alors qu'il neige, dehors. C'est vraiment joli. » Oui, parle-moi de la neige. Parle-moi des jolies choses qui ont encore un sens pour toi. Parle-moi de la poésie, de la beauté des choses simples. Dans ma vie, y a plus rien de joli, plus rien qui fasse rêver.
« Je referme la fenêtre, c'était juste pour rafraichir un peu l'air, ça sentait le renfermé. »
Elle a amené des fleurs. De très belles fleurs. Des orchidées. Ca met un peu de vie dans mon appartement, un peu de vie dans ma vie. Est-ce que tu sais que j'ai cinquante ans aujourd'hui ?
« Je vais vous laisser. »
Non, ne pars pas. Reste encore avec moi. Ne me laisse pas.
Elle vient s'assoir sur le rebord de mon lit. Elle prend ma main et la serre un moment. Sa chaleur entre dans mes veines et me réchauffe. C'est une chaleur douce et pure, comme j'en avais pas senti depuis...
« Je vous dis à demain, Louis. Reposez-vous bien. Et arrêtez de boire.
- Attends...
- Oui ?
- Il faut que je te dise...
- Oui ? Je suis là. Je vous écoute.
- C'est toi la plus jolie. C'est toi la plus jolie de toutes. C'est toi que je... que je préfère. C'est toi que j'aime, tu sais.
- Vous êtes fatigué. Essayez de dormir, patron. A demain. »
Lullaby se lève, prend son manteau sur une chaise, et s'en va.


Dernière édition par Altaïr le 01.02.09 21:22, édité 1 fois
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Tureïs

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MessageSujet: Re: Fragment #42 – Un demi-siècle   Fragment #42 – Un demi-siècle Empty01.02.09 21:21

Quelle nana ! On en fait encore des filles sur ce modèle là ? En attendant Louis file un mauvais coton !
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