Fragment #117 - Si tu ne veux pas de ça

Laura et moi demeurons silencieux depuis ce matin. Nous avons passé une nuit froide, glaciale, durant laquelle aucun de nous deux n'est allé vers l'autre. Cette ambiance me pèse. Trop. Ça commence à m'énerver. C'est peut-être un peu direct, mais je ne peux plus tenir.
« Pourquoi tu me fuis ? Pourquoi tu fuis mes sentiments ?
- Je ne fuis pas tes sentiments.
- Ah bon ? T'es sûre de ça ? J'ai plutôt l'impression qu'en dehors du sexe, tu n'attends rien de moi. »
J'ai conscience d'avoir haussé le ton plus que je ne le voulais.
« Tu dis n'importe quoi, c'est juste que je n'ai pas envie de montrer mes sentiments. Et je trouve que je les montre déjà beaucoup. »
Je regarde Laura de travers. Je ne dois pas cacher ma surprise. Elle fuit mon regard.
« C'est dommage que tu en veuilles encore plus, parce que crois-moi, je me connais et je me trouve déjà vraiment très affectueuse avec toi. 
- Je ne pense pas que ce soit dommage... Je ne sais pas. Depuis la semaine dernière, je me pose vraiment beaucoup de questions. »
Laura ne me regarde toujours pas. Ça m'énerve trop.
« Et quoi, tu veux me larguer ? Putain, c'est dingue ça, on peut pas juste être bien ensemble, prendre des photos et filmer, sans se prendre la tête ?! »
Je me lève d'un coup, choqué par ce que je viens d'entendre. Juste être bien ? Sans se prendre la tête ? Mais elle pense quoi de notre relation ? Je ne sais pas quoi dire.
« Te larguer ? Je veux pas te larguer. Où est-ce que tu vas chercher ça ?
- Tu dis que tu te poses des questions. Qu'est-ce que je suis censée comprendre ? »
Est-elle aveugle ? Ou amnésique ? Ne voit-elle pas ce que j'ai traversé pour elle ? Même pas, à cause d'elle, de son passé, son ex. J'enrage. L'incompréhension, la frustration me mettent hors de moi. Je tourne en rond dans le salon. Laura reste assise dans le canapé.
« Mais merde Laura, tu vois pas que j'ai de quoi me poser des questions ? Tu m'engueules presque d'avoir pris ta défense la semaine dernière, tu me rejettes dés que je veux être tendre avec toi. J'ai l'impression que si je te disais « je t'aime Laura », ça ne te ferait rien.
- Ce genre de prises de tête me fatigue, Damien.
- Et moi alors ? Tu crois que ça me pourrit pas la tête ? »
C'en est trop. Je file dans la chambre, une boule dans la gorge. Mais la rage m'empêche de craquer. Je ne peux pas rester ainsi. Je récupère mon appareil photo posé sur le lit, j'attrape mes affaires et mes fringues dispersées entre la chambre et la salle de bain. Laura m'a suivi, furieuse.
« Tu joues au mec plein de secrets, comme si je ne pouvais pas comprendre, et tu me traites comme une poupée de porcelaine. Mais merde, je suis assez grande dans ma tête pour qu'on me parle comme à une adulte.
- Alors comporte toi comme une adulte ! »
Je n'ai pas crié. Je n'ai pas hurlé. J'ai rugi, la voix déformée par la colère. Je sais que j'y vais fort, mais je ne peux pas laisser passer. Je retourne dans le salon, Laura est restée dans la chambre, silencieuse. Je vérifie si je n'ai rien oublié.
« Qu'est-ce que tu fais ? »
Laura me regarde les bras croisés, un peu calmée.
« Je vais à l'appart à Montmartre. Si t'es fatiguée, moi aussi. Je sais pas si t'as fait gaffe mais j'ai encore la gueule amochée. »
Je désigne mon pansement. Ses yeux suivent mon doigt.
« Et puis, j'ai pas envie de te faire chier plus longtemps. »
Laura ne dit strictement rien. Je passe mon sac sur l'épaule et ouvre la porte. Je m'apprête à partir. Juste un dernier truc à dire. Je veux pas partir sans le dire. Tant pis si ça fait mal.
« Tu sais Laura, je suis vraiment amoureux de toi. Et je suis pas du genre à ignorer la personne que j'aime, à ne pas être là pour elle. Bien au contraire. et si tu ne veux pas de ça, alors, je ne sais pas, mais ça ne marchera pas. Je te l'avais dit. Je ne suis pas là pour te faire du mal, ou me foutre de toi. Maintenant, à toi de voir. »
Je n'ai que le bruit de la porte que je claque derrière moi pour accompagner mon départ.