Fragment #56 – Aucun Walhalla ne vaut le détour

Ce matin, Max, le gros bonhomme aux cheveux longs et noirs, vient me voir avec la mine défaite. Ce bon vieux « geek » s'installe au comptoir et commande un verre de whisky.
« Déjà ? Tu commences tôt, Max, qu'est-ce qui t'arrive ?
- T'as pas vu les infos Louis ?
- Ben non, je suis resté longtemps avec mon demi-frère et sa femme hier soir, et j'ai pas pensé à allumer la radio ce matin. Dis-moi ce qui se passe...
- Bashung est mort. »
Alors ça, ça c'est vraiment moche. Quand j'entends des fois que telle ou telle personnalité nous a quitté, je me dis « ah oui, c'est dommage, c'était quelqu'un de bien », mais ça s'arrête là. En revanche, Alain Bashung, c'est un monument, c'est une idole. J'ai suivi sa carrière depuis les vertiges de l'amour jusqu'au bleu pétrole, en passant par les fantaisies militaires et l'imprudence. Sa musique et ses paroles ont accompagné mon coeur dans les soirées solitaires de mon appartement. Dans les nuits de l'hiver et dans l'enfermement.
Je sers un verre à Max, et un autre pour moi. Puis je mets en route la sono et récupère un vieux disque dans l'arrière-salle. Le Dionysos se met à chanter, d'une voix sombre et mélancolique. Je m'assieds et ferme les yeux. C'est beau, ce qui sort de ces gens magiques. C'est triste, quand ces gens s'en vont.
Qui va nous emporter, désormais ?