Altaïr
| Sujet: Fragment #64 - La Fille aux Cheveux Bleus 09.04.08 18:00 | |
| Jeudi 24 août 2006 à Dijon Ce matin, je savoure la douceur d’un réveil après une nuit sans cauchemar. Mon esprit émerge du sommeil et réalise que je suis là, nous sommes le vingt-quatre Août 2006 à Dijon, il fait beau (je pressens que l’automne sera estival, les saisons étant bouleversées depuis quelques années) et je me sens bien. Goût de bière séchée sur mes lèvres. Quel est mon dernier souvenir de la veille ? Je ne me souviens plus très bien. Je revois le salon, le sofa, les murs et les bibelots. Et le garçon, Jed. Je ne saurais dire pourquoi, mais ses traits demeurent brouillés, et je ne parviens plus à me le représenter mentalement. Ainsi, chaque fois que mon esprit essaye de reconstituer son visage, c’est le mien qui apparaît à sa place. Sans doute que lorsque je l’aurai vu et revu, je parviendrai à ancrer son faciès dans ma mémoire de manière définitive, comme il en est pour tous ces gens que je côtoie depuis plus longtemps, et dont même une absence prolongée ne saurait effacer de ma tête le souvenir précis de leur corps. Je me lève en m’étirant comme un chat. Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ; Retiens les griffes de ta patte… (Qui aurait pu prévoir que je te reverrai ainsi ?) L’eau de la douche, bien fraîche, achève de me réveiller. Je m’habille à la hâte, enfile mes chaussures. Où sont mes clés ? Je descends les escaliers et émerge à l’air libre. La rue est pleine de bruits et d’odeurs, festival des sens. La fin du mois d’Août commence à ramener à soi les vacanciers disséminés un peu partout, à l’approche de la rentrée. Je ne partage pas ce visage maussade que beaucoup de gens affichent, déjà abattus par la reprise imminente du travail, car mes cours ne recommenceront, si je me souviens bien, pas avant le début du mois d’Octobre. J’entre dans le petit palais de la gourmandise en faisant tinter la clochette, et me place dans la file d’attente, derrière une fille étrange, dont les cheveux bleus électrique descendent sur la nuque. Et laisse moi plonger dans tes beaux yeux, Mêlés de métal et d’agate… Je ne vois pas son visage, mais je connais cette nuque, derrière ces cheveux bleus. Je connais l’angle de ces épaules et ce dos… Lorsque mes doigts caressent à loisir Ta tête et ton dos élastique, Et que ma main s’enivre du plaisir, De palper ton corps électrique… Oui, je me souviens, comment aurais-je pu oublier… Elle s’avance pour prendre commande, mais je n’entends pas sa voix, mon cerveau bourdonne comme un essai de guêpes. Je vois ma femme en esprit. Son regard, Comme le tien, aimable bête Profond et froid, coupe et fend comme un dard… Je connais cette voix qui me parvient au loin. Je reconnais cette silhouette pour l’avoir tant aimée, tant enlacée. Tous mes membres se paralysent. Et, des pieds jusqu’à la tête, Un air subtil, un dangereux parfum, Nagent autour de son corps brun… Jill se retourne et se retrouve face à moi. Alors des boues noires de mon cerveau rejaillit une coulée de souvenirs coagulés. Flaque de sang. Corps. Couteau. Furie. Non, Jill, je n’ai rien oublié…
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