Altaïr
| Sujet: Fragment #289 - Noces d'Ambre 13.04.08 21:29 | |
| Lundi 10 septembre 2007 à Dijon Trente-quatre ans de mariage. Aujourd'hui ce sont les Noces d'Ambre. Une tradition qui nous vient du deuxième ruisseau de sang. Mon oncle Jacques et ma tante Jeanne sont les premiers à arriver à la maison, avec leurs enfants Bérénice et Léopold. Il faut avoir de drôles de goûts pour appeler ses enfants comme ça. Je ne dis pas que mes parents ont fait preuve d'originalité en nous appelant, mes deux frères et moi, Florian, Julian et Lilian, mais nos prénoms sont quand plus faciles à porter que ceux de certains. Bérénice s'installe dans un coin avec un livre, à côté d'elle se tient Léo, immobile, il nous détaille avec ses yeux d'enfant dans l'ombre de sa grande soeur. Je trouve que Bérénice est franchement jolie, et sa froideur a quelque chose d'irrésistiblement attirant. Viennent ensuite les trois nymphes, mes trois plus belles cousines : Sandra, Clara et Lisa, les filles de Giuseppe et Anna-Maria, au sourire mystérieux et plein de grâce. Puis ceux que j'aime le moins débarquent à leur tour : la tante Claude, l'oncle Maurice, et leurs deux fils Maxime et Benjamin. Un an a passé, mais ils semblent toujours aussi cons. J'échange avec Lilian un sourire complice, puis me tourne vers Florian pour lui faire partager cette connivence fraternelle, mais il est en train de s'engueuler avec sa femme Elodie dans le couloir, tandis que Léa hurle dans leurs bras à s'en déchirer la voix. L'oncle Jean sera le dernier arrivé, histoire de se démarquer sans doute, ou bien de manifester son dédain de tels attroupements familiaux. Il fait ça pour sa petite soeur, ma Mère, mais au fond, il préférerait cent fois ne pas être là. Et moi donc. Je pense tendrement à Joàn, qui pourrait être avec moi en cet instant, peut-être par pure provocation. Comme j'aimerais voir la grosse face de l'oncle Maurice devenir rouge brique, et mes cousins se faire des messes basses en me montrant du doigt. Voilà peut-être ce qui nous lie toi et moi, Lilian. Notre différence. Florian est hétéro, moi je suis bi, et toi tu es gay. Papa et Maman ont bien fait les choses. Un de chaque, c'est fou non ? Et finalement, lequel est le plus heureux ? Florian marié et père de famille, moi déchiré entre les hommes et les femmes, ou bien Lilian seul et silencieux ? Je ne sais pas. On se tient tous là, on dresse nos apparences de pierre, des statues figées dans le marbre des conventions. Mais chacun dissimule sa misère derrière son épiderme de granit. Ou d'ambre. | |
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