Fragment #3 - Coup pour coup, coeur à corps

Je m’ennuie terriblement, mais l’envie de sortir ne fait pas partie de mon programme. Je n’ai pas envie d’avoir envie. Presque deux semaines que je suis dans ce nouvel appartement, je devrais même dire studio, vu la taille. Vingt jours que mes parents ont déménagé dans un autre pays. Je n’ai toujours pas eu l’honneur et la joie d’inviter mes amis à une petite pendaison de crémaillère. Parce que l’honneur et la joie ne sont pas les termes adéquats. Il est loin d’être un havre de paix où l’on se sent bien vivre. Il faut oser le dire, je ne suis pas très fière de mon chez moi. J’entends déjà Inès me dire avec un air déconcerté « c’est cozy ici », seul terme qu’elle aura trouvé, elle au caractère plein d’entrain et qui regorge sans cesse de compliments à offrir à ses proches, au moins cette fois je pourrai lui clouer son bec de faux-cul. Mais non, je préfère lui donner la joie d’être époustouflée et de pouvoir s’égosiller de mille et un adjectifs, ça lui fait tellement plaisir… mais quand j’aurai refait la déco et comblé l’espace de quelques meubles supplémentaires. En attendant, zone interdite.
J’attrape la télécommande, il n’y a jamais rien à la télé, et là mes yeux s’écarquillent, je lis « Step Up ». A la seule vue de la bande annonce de ce film, une seule pensée, il faut que j’aille découvrir cette ode à la danse ! C’est peut être un vrai navet mais tant qu’il y a une histoire et de la bonne chorégraphie, ce ne le sera jamais pour moi. Mais qui vais-je pouvoir emmener… Entre Hugo et moi, il y a un froid polaire qui s’est installé depuis que j’ai refusé de vivre avec lui, donc ce ne sera pas lui qui aura la chance de m’accompagner. De toute façon si c’est pour l’entendre bougonner des âneries pendant tout le film, je préfère encore y aller seule. Hugo et la danse, ça n’a jamais fait bon ménage. D’ailleurs il n’a jamais compris mon mode de vie, mais le comprendra t-il un jour ? Là est la question. J’entends mon téléphone portable vibrer sur le rebord de la table basse, manquant à peine de s’éclater sur le sol, je le rattrape de justesse. C’est Maxime, celui que j’aime prénommer mon coup de cœur artistique. Mais souvent coup de cœur tout court, coup de cœur pour tout. Il m’invite vendredi, il fait un « show case » dans un bar branché de la capitale.
« Je viendrai t’écouter avec grand plaisir et puis ce sera l’occasion de sortir avec les copines ! Ca ne te dérange pas qu’elles viennent ?
- Bien sur que non, tes copines sont les bienvenues mais tu sais comme j’aime t’avoir rien que pour moi…
- Tu me dragues là ?
- C’était pour plaisanter… (rires)
- (rires) Tu sais bien que tu peux passer quand tu veux !
- Ok eh bien, vendredi après le show, on s’installe tranquillement chez toi et on se fait une soirée karaoké !
- Euh… et bien premièrement, je vois que tu n’as aucune gêne à t’inviter chez les gens toi ! Et puis le karaoké, je vois que tu veux me foutre la honte, ça commence bien !
- (rires) On va bien se marrer ! J’apporte le ti' punch !
- Et en plus il veut me saouler !
- (rires) Promis je ne ferai rien sans ton consentement…
- Ok va pour vendredi, on se retrouve au « Fiesta Bar » vers 20h. je dois te laisser, j’ai un tas de choses à faire !
- Ok, ça marche, à plus. »
Bon ce n’est pas vrai, j’ai rien à faire. Mais vu la tournure de la conversation, il valait mieux y mettre un terme assez rapidement. Bien que Maxime soit extrêmement séduisant, je ne peux pas faire ça à Hugo. Il faudra résister pour ne pas que mon coup de cœur se transforme en un coup d’un soir…