Aldébaran
| Sujet: Fragment # 85 - Quelque chose d'immense et coloré 16.04.08 22:02 | |
| Vendredi 19 janvier 2007 à Chenôve Regarde-moi. Regarde-moi Jon. Je t’ai fasciné. Je t’ai toujours fasciné. Tu es planté devant moi sans oser me toucher. Je suis beau pourtant, je suis coloré et odorant. Regarde-moi, touche-moi, ballade tes mains sur mon corps découpé en milliers de tranches, sur mon corps qui s’est amoncelé pour toi en mille couleurs criardes. Tu es au-dessus de moi. Tes mains n’osent s’approcher, déranger la perfection de mon être. Mais mange-moi, merde. Je ne suis pas beau, je suis immonde. Je ne suis qu’attirant dans ma danse colorée et mes odeurs, mes odeurs qui font frissonner ta narine. Je la vois ta narine qui frisonne, et tes doigts qui s’approchent de mon Moi mais qui n’osent pas me toucher. Mais prend-les ces morceaux de moi que j’ai étalé dans ton assiette, prend-les, mets ton désordre dans moi, fourrage avec tes mains, malaxe-moi, détruit-moi de tes ongles longs, déchire-moi pour me porter à ta bouche. Je veux être mastiqué par chacune de tes dents, je veux être emporté dans ton estomac. Je veux que mon intégrité soit détruite par tes mains, que mon corps en rondelle soit sali par tes yeux, que le goût de ma peau ai aigri ta langue, que ma flasquitude écharpe tes loreilles, que mon odeur soit belle à t’en faire gerber. Mais regarde-moi ! Touche-moi ! Caresse-moi ! Détruit-moi ! Laisse libre cours à ta faim meurtrière, arrache mes membres érigés à ton autel, déchire mes muscles, savoure ma chair. N’aie pas peur. Je suis là pour toi. Je suis tout à toi. Je suis Jed le plat coloré et immense, Jed le plat qu’on n’ose pas toucher de peur de ne pas e finir, Jed le plat parfait qu’on n'ose déstructurer. Mais je n’attends que ça. Emplis-toi de moi, remplis ton estomac de ma chair colorée et criarde, remplis ton être de Moi. Je ne veux plus exister. Je veux qu’il ne reste rien de moi. Je veux faire partie de toi. Je t’ai pardonné tu sais, je t’ai tout pardonné. Depuis longtemps, mais il faut rester noble. Je veux que tu me mettes en morceaux pour te venger, je veux être transfiguré dans toi. Je veux oublier le loup qui dort en moi, égorger la Desdémone suppliante à mes genoux qui geint comme une gitane beige. Beugle et avale. Ne prononce pas un mot je t’en supplie, déchire moi. Détruit cet amas magnifique de chair et d’os. Déstructure cette formidable machine humaine. Fais-moi traverser le miroir et n’être plus que des particules en flottaison dans Toi. Fais de moi le miroir brisé que j’ai toujours été Jon. Je n’ai jamais été autant à toi qu’offert dans ce plat d’argent, mon Moi coloré et odorant en morceaux sanguinolents. Avale-moi. Détruis ce chef d’œuvre de la nature, je t’en prie, et jouis-en. Après, et seulement après, tu pourras dire comme le poète, j’ai avalé une fameuse gorgée de poison. | |
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