Altaïr
| Sujet: Fragment #72 - Le Plus Grand de Tous les Vertiges 09.04.08 20:10 | |
| Vendredi 1er septembre 2006 à Dijon Il fait beau. Nous sommes le 1er Septembre 2006, et il fait beau. Après un Juillet caniculaire, un Août automnale, voilà que l’astre lion revient. C’est bientôt la rentrée pour beaucoup, plus que quelques jours. Le temps des cartables et des achats de cahiers, de stylos, de trousses et de livres. Des heures dans les grands magasins à courir, dans cette foule uniforme qui s’énerve. Je me souviens de ce temps qui me paraît lointain. Maman pousse le caddie entre les rayons du supermarché. Je suis à côté d’elle, je marche calmement. Pourquoi Florian et Lilian sont-ils si turbulents ? Ils courent devant nous en se poussant, riant bruyamment. A l’époque, mes chers frères, rien ne vous séparait encore. Vous ne pouviez pas vous haïr. Déjà, j’avais du mal à m’insérer parmi vous… Et je me prélasse pour un mois encore. J’essaye de savourer ce sentiment agréable, l’idée que je suis en vacances, qu’il me reste beaucoup de temps libre. Mais la culpabilité me ronge. Je m’en veux de ne pas travailler, je m’en veux de coûter de l’argent à Papa, qui me paye déjà un des appartements sans doute les plus chers de Dijon, je m’en veux de laisser couler ce temps libre sans l’utiliser à bon escient. Comment utilise-t-on du temps libre ? Comment fait-on pour ne pas le perdre ? Qu’est-ce qui est utile ? Je me sens mal de me sentir bien. La paresse m’immobilise sur mon rocher, et l’aigle de la culpabilité me dévore chaque jour. Je suis Prométhée. Que vais-je devenir ? Où me mènera ce chemin que j’emprunte, dans les brumes indiscernables ? Que fait-on après une licence de lettres modernes ? Comment gagne-t-on sa vie ? Est-ce normal d’être si perdu ? Il paraît que oui. Alors je ne fais rien. Je suis perdu. Je ne sais pas comment tout ça va finir, et ça me fait peur. J’aimerais récupérer le temps entre mes mains, le recueillir dans mes paumes jointes à sa source. Mais il s’infiltre sans cesse entre les interstices de mes doigts, et toujours s’écoule, ruisselle le long de mes bras et se perd. Je perds mon temps, tout le temps. Et je me sens misérable face au plus grand de tous les Vertiges. | |
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