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 Fragment #119 - Au-dessus du bassin de mes larmes

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Aldébaran

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MessageSujet: Fragment #119 - Au-dessus du bassin de mes larmes   Fragment #119 - Au-dessus du bassin de mes larmes Empty20.04.08 22:43

Dimanche 20 mai 2007
à Dijon

Humidité. Cette eau qui coule des murs goutte au sol, fait glisser chacun de mes pas. J’ai peur de tomber, je ne sais pas trop où je suis. Le fil d’argent glisse entre mes doigts. J’ai l’impression même qu’il part dans plusieurs directions. Il est fragile et cassant maintenant, plus aussi rêche qu’autrefois. Mes mains glissent, s’abiment. J’ai un peu peur. Même si je sais tout au fond de moi qu’il n’y a plus rien qui s’y cache. Je suis seul dans ce labyrinthe. C’est peut-être ça qui me fait peur en fait.
Avant, j’avais quelque chose à combattre. Maintenant je suis seul avec moi-même.
Je frappe le mur de colère.
Et tes pulsions.
Sous mon poing rageur, une pierre bancale. Gravé dessus se trouve un symbole. Une fourche. J’ai l’impression soudaine que les pierres autour de moi sont toutes gravées. Que fait ce symbole dans mon labyrinthe ? Je suis le fil, vais de plus en plus vite. Glisse. Tombe. Me rattrape de justesse au fil qui me coupe les paumes. A un moment même, je tombe sur une dépouille. Elle agonise encore au sol. Des blessures l’entament de tous points. Et je me veux. Le monstre n’était peut-être pas un monstre. Le monstre cherchait peut-être tout simplement à fuir sa nature. Mais elle vous rattrape toujours. Je me dis parfois que je suis ce monstre agonisant. Je l’enjambe. Je le laisse derrière moi. Je dois arriver au centre du labyrinthe. Toujours ce fil tranchant entre mes mains. Ce fil des mains aimantes. Je suis le fil. Et bientôt je suis au centre du labyrinthe. Un bassin m’attend au milieu. L’eau stagnante pue un peu, mais elle m’attire. Je veux y voir mon image. J’approche. Les bords sont glissants. J’ai peur de tomber. De me noyer dans mon reflet. Je me penche pourtant. Je m’y vois. Soudain l’image se brouille. Je ne me reconnais plus. Dans l’eau se trouve l’image de la Beauté. Intrigué, je veux m’approcher, mer regarder encore. Mais est-ce moi ? Je n’ai pas cette beauté qu’ont les dieux. Le Miroir me fait peur. Il me ment. Relever la tête, et retrouver cet autre à qui appartient l’image tant adorée. De l’autre côté du bassin se trouve…
Julian ?


Je me lève en sursaut. Le soleil me brûle les paupières. Julian. Que faisait-il dans mon rêve celui-là ? Ce n’est pas faux. Ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu. Où est-il, que fait-il en ce moment même ? Je pense soudain à la fourche. Merde ! La boîte est toujours à la maison. Toujours vide, sous mon lit. Et je ne peux pas passer la chercher. Ou alors. Il faudrait un moment où les parents ne seraient pas là. Ou mieux, demander à Ariane. J’en ai besoin. Je dois découvrir son secret, percer à jour le mystère de ce vide.

Fin d’après midi. Je repense à mon rêve suintant et étrangement, le ciel prend les couleurs de celui-ci. Les nuages noirs obscurcissent le soleil et donnent à mes yeux un spectacle d’apocalypse, semi-obscurité, ambiance sombre et oppressante de laquelle nos yeux n’ont pas l’habitude. Mes pupilles se dilatent, laissant cette contraction étrange dans le reste de mon corps. Dehors, le temps est moite et étouffant. Les premières gouttes commencent à tomber sous les coups de tonnerre. L’humidité fait des pointillés sur les vitres de ma chambre. Rapidement toute la vitre se couvre d’humidité.
« Ariane, je sors. »
Avant qu’elle ai eu le temps de réagir, j’étais déjà dehors. Courant en T-shirt sous la pluie. L’humidité me couvre, collant mes vêtements à ma peau. La pluie me gifle le visage, embrume ma vue. Je cligne des yeux sous la vitesse.
Et soudain j’ai froid. Je suis mouillé. Je suis mal. Je m’assois en haut des marches du grand théâtre, à l’abri. Un spectacle est en cours. Les portes s’ouvrent sur les premiers spectateurs qui sortent d’un spectacle de danse selon ce que j’entends. Mon torse se resserre contre mes genoux. Mes cheveux humides gouttent sur mon pantalon ; mes yeux gouttent sur le dallage. Pression des paupières. Mes boyaux se serrent sous mes soubresauts. Sanglots étouffés.
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