Nunki
| Sujet: Fragment #12 - Non, tu ne seras plus en jachère 01.05.08 11:37 | |
| Dimanche 14 janvier 2007 à Dijon Il fait jour. L’après-midi ressemble au matin, le matin ressemble au soir, l’hiver ressemble à l’automne teinté de printemps. Je ne suis plus dans mon élément, contrairement à lui. Mylan est venu me rendre visite aujourd’hui. Comme le temps nous en a donné la permission, je l’ai emmené sur le sentier rectiligne et inachevé. Sous un soleil presque orange, dont les rayons nous frappent quasiment à l’horizontale. Ses cheveux ocres sont en harmonie avec ce paysage. La terre accroche nos chaussures, et petit à petit, on s’y enfonce. En toi. Nous parlons de ses études, de ses loisirs, de sa vie, de son accomplissement. Lui seul est le sujet de notre entretien. Nous marchons dans sa vie, nous piétinons ses ennuis, et labourons son bonheur. Le calme de cette Terre, paradoxalement si grouillante de vie, d’organismes. Je me ressource de ces oligo-éléments. Lui semble pleinement satisfait de sa nouvelle vie, ses études lui sont plus adaptées. Tout lui semble correct dans sa petite vie. Il te manque encore bien des choses, n’est-ce pas ? Il vit toujours seul, chez lui. Il n’en parle pas, mais je sens cette mélancolie cachée, celle que nous connaissons bien, et qui nous tourmente quelque peu. Nous n’en parlons jamais. Tout est bien tel qu’il en est. Une liberté inconditionnée, une situation familiale correcte, une occupation quotidienne. J’aimerais aller plus profondément en toi. Mais trop de ta profondeur me reflète. Je ne comprends pas pourquoi. La conversation oscille pour finalement tomber sur moi. Ça y est, c’est moi le sujet. Je le souhaitais, mais je suis gêné, agacé par ça, bizarrement. Moi, la tache noire dans le décor jaune-orangé. La goutte d’eau dans le désert. Je suis moins à l’aise. Mais finalement, la conversation se répète un peu. Tu n’as pas besoin de t’en soucier. J’essaye de le noyer dans ma vie, pour qu’il s’imagine que tout va pour le mieux. J’aime ta façon de boire mes paroles, de t’imbiber de moi. Tu es très soluble, c’est pour ça que je t’apprécie énormément. Mylan est assez dur, une carapace épaisse, mais qui fond devant moi. Je devrais faire de même avec lui, mais pour moi le problème est autre. J’ai tendance à me mélanger, à brouiller les pistes. Moi-même je ne sais pas comment calmer cette tempête en moi. « Tu me sembles moins changeant, depuis septembre. ». Il vient de lâcher ça, lisant mes pensées. Je le regarde un sourcil levé, l’autre baissé, la bouche un peu déformée. Il ricane en voyant ma tête, et m’envoie : « Si, je t’assure ! Tu reviens moins sur ce que tu dis, tu sembles te construire… ». Je rigole à mon tour, et détourne finalement le sujet. Nous retournons dans l’incessant échange de matière. Mais on finit par s’assécher, après cette longue conversation. Moi le premier. | |
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