14h28. Nous sommes assis à une terrasse. Ma belle et moi, sa bête des bois. Je lui caresse tendrement la main, et me plonge dans ses yeux. Elle me parle depuis tout à l'heure, toute guillerette de m'avoir retrouvé. Je n'étais pas vraiment perdu. Je l'écoute parler. Elle me raconte son gala du week-end dernier que j'ai manqué. Moi j'ai juste follement envie de l'embrasser. De la baiser sur place. Mais ils risquent de nous mettre dehors. Et dehors il pleut. Alors je me tiens, et je m'en tiens à ses yeux. Je les brûle du regard, ils me regardent ahuris et interrogateurs. Alors je souris.
« Tu sais le type dont tu nous as parlé. Cédric. Le jour de l'enterrement il est venu nous parler quand tu t'éloignais. Il nous a demandé ton numéro. On lui a donné. Et mardi soir il voulait qu'on se voie tous. Lilian lui a répondu que tu étais parti. Il nous a dit qu'on pouvait se voir sans toi. Alors on s'est fait une petite soirée tous les trois.
- C'était bien ?
- Ben tu sais nous on ne le connait pas trop. Et il est quand même plus jeune que nous. Alors il a beau être intéressant et mature, on s'est un peu fait chier. On en a discuté quand Lilian m'a raccompagné sur un bout du chemin.
- J'imagine.
- Ce qui était bien c'est que j'ai appris à connaître Lilian davantage. C'est vraiment un chic type.
- Qu'est-ce que tu crois. Je traîne pas avec n'importe qui. »
- Rires -
« On a pas mal discuté tous les deux. Enfin surtout quand il se taisait un instant le ptiot. C'est un vrai moulin à parole ce mec. En plus il n'arrêtait pas de poser des questions sur toi, sur nous, sur ta famille.
- Il doit sûrement vouloir me connaître un peu plus. »
Gros bruit. On tourne la tête tous les deux en même temps. À moins d'un mètre un plateau gît, et à côté une jeune demoiselle vient de s'agenouiller pour ramasser les tasses et nettoyer la tisane. Ce doit être une fille qui est là pour l'été. Elle cherchait un job, et elle a du mentir, comme tout le monde. Dire qu'elle avait déjà travaillé dans une brasserie ou un fast-food, et qu'elle était capable de servir de boissons dans un salon de thé. Alors le gros du fond qui la regarde en fronçant les sourcils l'a embauchée, et maintenant il s'en mord les doigts.
Je regarde à nouveau ma dulcinée.
Atchoum. Voilà le retour de mon rhume que je traîne depuis que je suis resté sous la pluie sans rien sur le dos.
Un message de Lilian. Il nous dit de passer chez lui.
« Oh oui ! », me dit-elle lorsque je lui propose. Elle enfile sa petite veste censée la protéger de la pluie, cachant ainsi ses épaules fines, objets de tentation. Je me lève, et ramène la note au bar. Je récupère ma monnaie et nous sortons. Avant que la porte ne se referme on entend le bruit d'une théière qui échoue sur le carrelage. On se regarde. On ne peut s'empêcher de pouffer de rire.
Nous marchons bras dessus bras dessous. C'est moi qui tiens son parapluie, sinon je prendrais inlassablement les baleines dans la tronche ; aussi haut qu'elle puisse le lever. Ma princesse au petit pois, est aussi ma princesse aux petits bras.