Fragment #5 - Un visiteur

Lendemain matin. Réveil douloureux. Manger. Se laver. S’habiller. Que faire ? Je ne peux pas rester là. Je vis de quoi ? L’appartement est immense. Comment gérer cet endroit ? Vue sur la Seine. Rouen, centre ville bourgeois.

Sonnerie. Ranger le carton. Vite.

Un garçon à la porte.
- Je viens pour le cours de maths.
- …
- Il fallait confirmer ?
- … non ? Entre.

Visage doux. Corps fin. Il s’installe à la table du salon. Des livres. Il veut que je l’aide. A quoi ? Je ne connais pas ces choses là. Des souvenirs seulement. Il veut des exercices. J’ai ça ? Dans mon armoire. Classe de première. Scientifique. Une feuille sortie. Un exercice donné. Ça me laisse le temps de comprendre. De regarder. Continuer les choses ; comme avant l’accident. Ils ne doivent se douter de rien. Penché sur la feuille. Un muscle du cou tendu. Mal installé. Ne sait pas comment s’installer. Cherche. Ecrit rapidement des signes. La solution parait évidente. Pourtant, je ne connais pas cela. Petit blond. Gel dans les cheveux. TechTonik. Peau abîmée, reste d’acné. Une rougeur dans le cou, semble remontée derrière l’oreille. Une tension dans le corps. Des pectoraux, finement, gonflent le haut du buste. La rougeur émerge sous les yeux. Un tremblement contrôlé. Rattrapé. Un renfoncement de sa lèvre. Il se mord. Il n’écrit plus. Les yeux sont fixes sur la feuille. Il ne pense plus. Tout s’arrête. Il se fige. Un frisson profond. Retenu. Il se touche le front. Regarde la feuille. Il ne comprend pas. Ne cherche pas. Seulement à donner une image. Corps en contradiction. Mental tout puissant. Il est en sandales. Des poils bruns démarrent du dessus des pieds. Remontent. Mollets ronds. Peau blonde. Poils bruns. Odeur discrète. Parfums qui cachent le vrai parfum.

Une tâche. Couleur d’ivoire. Suinte. Sur le bermuda. Semble s’étaler. Gonfler. Il voit que je vois. Ne faut-il pas ? Chaleur rouge. Devine le membre sous le Bermuda. Responsable de la tâche. Tâche qui donne sens. L’exercice n’existe plus. A-t-il un peu existé ? Le désir appelle mon désir. Le sang me gonfle. Tension. Envie de possession. Frémissement de la peau. Stratégie de la suite. Choisir l’action. Le mot. Celui qui amène la suite. Ou la fin. Pensée monolithique. Posséder. Regards qui se devinent, qui s’évitent. L’erreur est fatale. Initiative dangereuse. Chaleur des profondeurs. Quel geste ?

Le bon, sans doute.

Le calme après l’ouragan. Le préservatif rempli à côté du lit. Une tête sous mon bras. Une odeur douce. Un soulagement. Une paix. Un silence. Un bien-être nouveau. Une fin de partie qui n’admet pas de suite. La sève est sortie de l’arbre. Les yeux contemplent le vide du plafond. L’humidité sèche doucement. Chercher à comprendre, à définir ce qui s’est passé. Pourquoi ? Pour prendre le risque de tout figer ? L’instant est au repos, pas aux questions. Pourtant. Vient-il souvent ? Est-ce la première fois entre nous ? La première fois pour lui ? Peu probable. Pourquoi venir pour un cours ? Prétexte ? Silence. Quel est son nom ? Question mal venue. Maintenant.

Il a disparu.

Il n’est plus dans l’appartement. Il ne reste rien de lui. Mon réveil est solitaire. Je sors de la chambre. Sur la table du salon. Une écuelle. De l’argent. 80 euros. Pour le cours ? Pour moi ? Dans ma poche. Sous l’écuelle ; un papier. Une inscription. Rapide. « Je t’aime ».