Wezen
| Sujet: Fragment #11 - Eternel retour 23.06.08 23:54 | |
| Lundi 23 juin 2008 à Rouen Place vide. Nous marchons. Foule grise. Visages bleus. Nous tournons. Les brahmanes portent une petite statue en or. Très brillante. Nous tournons en périphérie de la tour. Le peuple gris marche derrière l’idole. Je suis avec eux. La tour centrale ornée des créations animales et célestes. Deux éléphants au clair de lune, indifférents à notre messe. Lumière jaune qui perce, de la divinité représentée. Elle me fait baisser les yeux. Par respect. Par peur. Par soumission. Cercle des hommes qui revient sur lui-même. Eternel retour. Encore un tour. Visages possédés par le mystique. Une cloche tinte. Bruit strident qui fait frémir. Frisson glacial. Clochette qui transperce les hommes et atteint les dieux. Petites flammes qui s’allument sur la tour. Etages représentant la montée de la création. Hiérarchie des animaux et des hommes. Des hommes entre eux. Des dieux ensuite. Brahmâ le créateur. Vishnou le protecteur. Shiva le destructeur. Puis la lune qui éclaire la scène. Dieux terribles, omniprésents. Cercle de la foule fantôme promenant le dieu d’or autour de la tour de feu. Eléments à l’état brut. Toucher le divin. Dans sa simplicité cruelle.
De puissantes mains ouvrent la porte gigantesque. La foule possédée pénètre le phallus de pierre. Un temple dans le temple. Devant, la fumée des encens. La lumière avance plus vite. Droit devant. Au passage une femme écrase une poudre qui fait un point sur mon front. Tambours terribles qui démarrent en cadence. Clochette qui tinte mais ne s’arrête plus. Profondeur du monde. Plus sombre. Un dieu terrible s’est réveillé. Devant nous la statue s’est incarnée. Devant nous Shiva se dresse immense. Colère de son réveil. La construction exige une destruction. Les hommes chauves tiennent un bébé. Le couteau pénètre la chair. Sang qui pénètre la pierre. Sourire du dieu. Foule extatique.
Sonnerie. Je me réveille. Il est quatre heures du matin. Une barre dans la tête. Sonnerie. Qui sonne à cette heure ci ? La porte. Le garçon. - Je viens pour un cours de maths. - Il est trop tôt. Silence. Il reste devant la porte. Je ferme. Pas possible. Il semble rester là.
Au lit. Je sens qu’il reste là. Sonnerie. - Je viens pour le cours de maths. J’ouvre, explosif. Il est nu. Ses vêtements partout étalés dans le couloir. Ne plus chercher à comprendre. Il rentre. Il s’installe au salon. Il sort une feuille. Je vais au lit. Fermer les yeux. Oublier ce qui se passe. Ne plus se poser de questions. Mais c’est impossible. Présence dans le salon. Repos improbable. Je retourne vers la table. Figé sur sa feuille vierge. Il n’a même pas l’énoncé d’un exercice. Sous la table. Il se masturbe. Spectacle étrange. Lumière bleu de la nuit sur sa peau de lait. Il semble si doux. Si étrange. Il continue sans me regarder. Pourtant, il semble avoir conscience de ma présence. Que faire ? Pourquoi rester là ? Ne pas l’aider ? La contemplation pour ne pas prendre de risques. Ses vêtements toujours dehors. La fatigue. Les idées dans ma tête qui explose. Le sang coule sur mon front. La blessure ne cicatrise pas. Besoin de m’asseoir. Revenir à un stade végétal. Eteindre chaque pensée, chaque sensation. N’écouter que le cœur battre. L’air entrer et sortir des poumons. La lune.
Un coton humide passe sur mon front. Il nettoie la blessure. Une brûlure ensuite. Il désinfecte. Je regarde ce garçon doux qui n’est pas autiste. Son corps jeune. Son regard chargé d’une vie que je ne comprends pas. Son besoin de s’accrocher à des rituels qui me dépassent. Cette douceur étrange qui réconforte. Qui ne s’explique pas. Cette douceur dont j’ai besoin. Sentir que toi, enfermé comme moi dans ton enveloppe corporelle, tu es là. Cette distance inexorable qui nous sépare. L’absence de mots et de sens. Et pourtant, cet apaisement soudain. C’est de l’amour, il me semble, que j’éprouve pour toi. | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #11 - Eternel retour 24.06.08 0:09 | |
| C'est vraiment enivrant, de te lire. Je me sens transporté ailleurs. Dans un pays lointain, à la fois l'Inde et ton imaginaire, ton rythme, tes mots. Merci. Marco et le garçon, comment cela évoluera-t-il ?... | |
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Alsciaukat
| Sujet: :) 24.06.08 11:48 | |
| Toujours aussi spécial '_' J'avoue que la lecture plonge dans un état un peu bizarre, surtout cette cérémonie décrite au début... (quoi que le passage de la fin est bizarre lui aussi...) Alors moi aussi, j'attends de voir où ça va :D | |
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Adhara
| Sujet: Re: Fragment #11 - Eternel retour 24.06.08 12:19 | |
| "Au fond du temple saint", un de mes airs d'opéra favori... Chaque lecture fait surgir chez chacun des souvenirs et des sensations différentes, et le renvoient à lui-même. | |
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| Sujet: Re: Fragment #11 - Eternel retour | |
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