Sélène
| Sujet: Fragment #5 - Colis tamponné au 2 mai 09.04.08 21:35 | |
| Vendredi 4 mai 2007 entre Dakar et Paris Face A marquée « 0 :00 – 0 :11 Lola run Lola »
*Bzzswhiiii* Je commence cet enregistrement à Dakar. Dès que j'ai appris. Je suis contre un mur de Rebeuss, le cul par terre, le micro entre mes mains. Il fait chaud Lola. Tu vas être étonnée de recevoir cette bande. Surtout que j'ai presque oublié ta vie ta personne. Et me voilà en sorte d'irruption momentanée. Alors ouais pourquoi ? Ben il faut le dire, les naissances me rendent gâteux, c'est comme ça.. J'imagine avec beaucoup de difficulté le chemin que tu as parcouru jusque là. Toi. Et puis Julian.. Non. Il y a des noms qu'on enterre, hein. Et cette nouvelle m'est arrivée là comme ça telle quelle. Sans préavis sans post face sans dédicace. Et cette "heureuse" nouvelle ? « Une naissance, ça marque toujours un tournant ». Voila.. hum merde ! Je commence à dire un tas de débilités naïves consensuelles. Grmbl. Je suis d'une maladresse cash dès que j'aborde ce genre de truc. Souhaiter du bonheur, ça rentre pas dans mes cordes. Bref, je disais quoi... ah oui… Tiens Dakar, c'est un pays jeune. Naissance jeunesse tout ça... Ca fait longtemps que c'est un pays jeune, en friche en attente. Jaune ocre et sable, buvettes et des miles de boutiques de hangar de récup'. Entre Rufisque et Dakar. Sénégal Teranga Sally Toubab… Merde, j'arrête. Je me sens débile devant ce poste à chercher des mots pour un sujet qui me dépasse totalement. Je souhaite que ton enfant puisse voir le monde et l'autre monde. Ou le plus de terre d'horizons et se perdre. Lola, la course à la vie re-commence. J'te recheck. *Bzzz*
Face B marquée « 0 :00 – 0 :27 Lola Lola run »
*Bruits sourds de musique en endroit sous terrain* Il est Paris nuit, aux caves saint sabin, une soirée sombre. C'est un sacré écart d'ambiance pour prendre des nouvelles de toi et de ton enfant, et t'apporter mes félicitations. Ouais bon. Entre deux bières, deux crêtes rehaussées de métal, des basses électro-décadentes sur fond de vinyle noir. C'est pas vraiment ca.. L'encre noir coule déjà dans les veines de ceux qui m'entourent, s'agirait pas de contaminer ta fille. Eux, sont nés après la période "no futur inside", en pleine décadence douce-amère. Ca n'aurait pas été une bonne époque pour elle. Y en aurait-il eu une ? Ouais non. Pas vraiment. *Bruit d'un poste qu'on renverse et qu'on ramasse* Putain ! Fais gaffe là ! *Bzz* … Et puis la violence, il va falloir la préparer, la fuir, la protéger dans tout ce bordel. Penses-y dès maintenant Lola, la vie est une fuite, de la poudre blanche alignée, un bal disco-punk en boite de conserve. Ta fille... J'm'égare. J'ergote, je suis con. *Zzzzip* Tin' comment on efface ça ?! *Zzzip swhiii* Chier, d'ailleurs qu'est ce que je fous avec ce poste ici moi ? J'débloque. J'te check la suite. *Bzzswhiiii* *Sons électroniques massifs surchargés de sample hip hop, tout aussi massif* C'est un concert Lola, tu entends ? J'en ai fait deux depuis que je suis rentré du Sénégal. Là je suis au Plan, en région parisienne. Et c'est un putain de bon concert. Ca c'est du son écoute ! Wax Tailor est à l'affiche. Il FAUT que ta fille écoute ca. Je l'enregistre pour que tu lui fasses écouter là. Elle va craquer. .. Hum non .. Trop jeune encore. Check.
Face B marquée « 0 :33 – 0 :41 Load Run Lola »
*Bzz* Je suis chez moi une carte devant les yeux, tirant au hasard ma prochaine destination : Retour en Palestine ou Ukraine. Elle choisirait quoi ? Et puis l'école, le lycée le bac tout ça. Je m'étale... Et ca planche sur des copies, sur des programmes. Calculettes sorties, petit précis d'économie brandit. Et ca rentre dans le système. J'ai ouvert mon book en m'enregistrant. Je repasse mes sujets de prédilection jusqu'alors ouvert dans ce carnet étiqueté Nathan ; le ailleurs, la femme et le non-amour. Ces préoccupations néo-urbanos-agaçantes… *schling* Ce micro me casse les couilles, je repasse sur papier. *Bzzz scwhuiii*
Lettre préfacée « Chère Lola, »
Sur papier terne, c'est mieux. Je tends à cracher vos copies blanches ; l'heure est à la façade politicienne. On change, on change pas. On suit la coulée la tranchée de la rupture économique sociale et finalement complètement freudienne. Je délire Lola ? je délire du verbe. Mais c'est que je rentre de Dakar, là, juste là. Ouais, y a une semaine. 30 avril. Paris-casa, casa-dakar. Dakar-Paris-KB. Et tout ce dont j'ai envie et de ne pas trancher, pas rendre coup pour coup, de ne pas acidifier tes pensées, tes rétines et leurs envies. 30 avril, 6 mois avant 30 ans. Et d'autres passent leur bac blanc, prêt à remplir leur vie. Deux fois quinze, Ca fait quoi ? ca fait que la feuille n'est que vaguement tâchée ici et là, un peu en couleur, violet, sépia, gris. Repasser éternellement sa copie blanche devant les yeux. Il faudrait sans doute tricher un peu. Ou la tremper dans du thé, la faire murir à quelques kilomètres sous terre. Six pieds sous terre. La déterrer et contacter mon ami Paulo, taggueur professionnel. Le papier finit toujours froissé à coté d'un sac de billes, dans une commode qui sent le bois, le vieux. Comme dans les films. Red Sparowes et leur monde éternellement apocalyptique. Pour eux il n'y a pas d'horizons à voir demain. Pas de petites notes d'intentions, pas de flashs pas de vert. Pas de silhouette aux lèvres rouges fruits, les cils battants la grenade et les odeurs félines d'une coupe aux cheveux longs, talons qui trainent le pavés. Pour eux pas de soleil naissant d'interstice, de coudes aux genoux. Pas de Léo pas de Léa. Pour eux, il n'y a qu'un flash en fondu cramé sur la Terre. Pacte écologique, garde-à-vous. Gare à vous.. si vous m'apprenez par piques bien senties, je risquerai de vous blaser ad vitam aeternam. Nouveau citoyen, ne t'emballe pas, on peut nourrir 12 milliards d'individu, mais on ne veut pas. Dimitri Bodianski dans les vapes. Mais pour toutes deux, Lola, il y a tout le reste devant. Je n'aime pas les formalités je n'aime pas les cartes postales, ou alors les jaunies. Tu vois ? Les sales, les salles combles de gens en costume noir haut de forme. Et les vieilles étales de marché avec la charrue à mule dans le coin de la photo. Les marchés, et les naissances faut croire... Vague espoir avant blasage intégral en photos. Lola cours, moi je suis sous LSD. | |
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