Fragment #71 - 28 (et quelques) jours plus tard

Un peu plus de quatre semaines. A accumuler ce dont nous allions avoir besoin pour exécuter le plan. Le plan de Jé. Un plan quasi irrationnel, qui me fait penser qu'il a pété un câble.
Ce qui s'étale devant moi m'a fait peur la première fois que je l'ai vu, et encore aujourd'hui d'ailleurs. Mais Jé m'a habitué à la présence des objets disposés sur la petite table basse. Il me les a mis entre les mains, m'a montré leur puissance.
Jé et moi sommes assis dans le canapé, faisant face à la table basse, et aux quatre pistolets posés dessus. Pour l'intimidation. Il a justifié leur présence ainsi. Pour l'intimidation. Mais quelque chose au fond de moi me dit que ce n'est pas que pour ça. Jé veut aller plus loin. Et je pense qu'il peut aller plus loin. Ces dernières semaines, il s'est encore plus renfermé sur lui-même que d'habitude. Nous ne sommes quasiment pas sortis. Des connaissances de Jé sont passés plusieurs fois à l'appartement. Certains ne sont restés que quelques instants, échangeant quelques paroles avec Jé sur le palier. D'autres sont venus déposer des enveloppes pleines de plans, de photos de différents lieux de Paris, ou encore de clés, de voitures ou de boîtes aux lettres dans lesquels nous avons récupéré plusieurs documents concernant apparemment l'enquête sur laquelle nous bossions. Jé est resté assez discret sur les détails. Nous avons obtenus les pistolets de cette manière. Un soir, Jé m'a conduit dans les souterrains de la gare Paris Nord. Arrivés sur un quai de RER désert, il a continué jusqu'à une série de casiers à clé. Une seule porte était fermée. Un sac en cuir s'y trouvait. Les armes glissées dedans...
Jé brise le silence qui règne dans la pièce.
« Tu es sûr de bien vouloir me suivre là dedans ? »
Il ne me regarde pas. Ses yeux comme les miens fixent les armes. Sans le vouloir, je passe ma main sur l'arrière de ma tête. Je sens immédiatement les petites bosses des cicatrices qui constellent encore mon crâne. Différents sentiments se bousculent en moi, comme tous les jours depuis cette nuit où l'on m'a tiré dessus. Il y a de la peur. Oui, de la peur. Instinctive, sournoise, omniprésente. Peur du sang, peur de crever. Peur de l'être humain. De ce qu'il est capable. Il y a de la douleur. De l'incompréhension. Pourquoi m'a t-on tiré dessus ? Comment j'ai fait pour me retrouver là dedans ? Et puis, il y a de la colère. Une colère née de l'abondance de ces sentiments. Une colère que l'acide dans mes veines a vite transformé. L'idée aussi que ces personnes possèdent des renseignements sur Sofia, a fini de transformé ma colère en haine.
Le plan de Jé est simple. Pénétrer dans l'Enfer et y dénicher Marc Rozia. Mon ami est déterminé à faire cela pour une raison que je ne saisis pas. Pas encore. Moi, je sais que j'y vais pour le faire parler. Pour qu'il me dise ce qu'il sait.
« Alors, tu décides quoi ? »
Cette fois-ci, il me regarde.
« Je te suis ».