Aldébaran
| Sujet: Fragment #2 - La vie en gris 09.04.08 21:57 | |
| Vendredi 2 juin 2006 à Dijon Un froid de canard. On n’avait pas vu ça à Dijon depuis des décennies. Comment le temps a pu se dérégler à ce point ? Je n’arrive pas à comprendre. On ne peut même plus sortir. Et moi je tremble de tous mes membres, comme un con. Deux couches plus tard : sweat-shirt et pull, je suis dehors. Les rues de Dijon, dans la caillante. Je passe devant la chouette dans le bon sens. Je passe toujours dans le bon sens, quand je passe à contresens il m’arrive de me trouver mal toute la journée. Quel con… aujourd’hui je fais un vœu. Comme à chaque fois que je passe d’ailleurs. Bon d’accord, sauf quand je suis de mauvaise humeur. Mais là je suis bien ; alors je fais un vœu. Et là c’est toujours le blocage. Je passe devant le banc de Gérard comme certains disent, et je commence à formuler un vœu. Mais ce vœu je ne veux pas le formuler avant d’arriver à la chouette peut-être par superstition mais il faut qu’il vienne de lui-même au moment où je suis devant cette chouette de pierre. Et là : plus rien. Le grand vide. Pas de vœu pour aujourd’hui ? Je ne m’étais jamais retrouvé dans cette situation. Je passe devant la chouette comme un zombie, rien à dire. Je me sens vide. Pourquoi pas de vœu aujourd’hui ? Pourquoi rien à changer ? Pourquoi je me sens enfin bien ? Je ne comprends pas. J’ai toujours une idée d’habitude. Faire que les gens soient moins cons, trouver l’amour, ou même faire revenir le soleil. Mais à ce moment précis, alors que j’arrive devant la boulangerie dans laquelle je vais d’ailleurs entrer ; je viens de le décider ; je me dis que les cons sont cons et que l’on ne peut rien y faire, que l’amour je m’en fous du moins pour aujourd’hui, et que s’il fait froid, c’est mieux ; j’aurais moins envie de sortir. J’entre enfin dans cette boulangerie. Je demande deux croissants comme d’habitude. Moi et cette manie de toujours faire croire que je suis avec quelqu’un. Je suis avec moi-même, n’est-ce pas suffisant ? Surtout avec les conflits ménagers que cela engendre déjà… je fais face à cette vieille qui me regarde en souriant. « Il fait froid dehors, n’est-ce pas ? Et ce temps gris n’est pas fait pour réchauffer les mœurs… quand il fait gris dehors, tous les gens qui entrent dans cette boulangerie ont l’air triste. Vous n’échappez pas à la règle mon petit. » Je lui souris pour faire joli. Un grand sourire con et aimable comme je sais les faire genre : « Ah qu’est-ce que ça fait longtemps qu’on s’est pas vus… » Je souris à tout le monde en ce moment. Et pourtant ils comprennent que ça ne va pas. J’y comprends vraiment rien. Surtout que je vais bien. Je n’ai jamais été aussi bien dans ma peau. « JE VOUS EMMERDE ! » La vielle n’a pas entendu ; peut être parce que tout était dans ma tête. Et résonnait. La vielle me glisse un : « bonne journée ! » aimable. Et je lui souris en retour. Un beau grand sourire aimable. Je pousse la porte. Et là mon vœu s’échappe de mes lèvres dans un souffle au moment le plus inopportun. Et une chanson me revient en tête. Tout le film /Jeux d’Enfants/ me frappe en plein visage. Mon vœu vient de s’échapper ; je n’ai pas pu le proposer à mon amie nocturne. Et maintenant, impossible de le reformuler. C’est trop tard. J’aurais tant voulu voir la vie en rose… | |
|