Fragment #4 - Oh le joli mensonge

C'est un petit bar tranquille, rue Amelot. Il y a un écran géant, déroulé pour l'occasion. On y projette mon court-métrage devant les gens qui ont participé à sa création. Oh le joli mensonge. J'ai choisi ce titre pour parler de l'illusion amoureuse. Je me suis inspirée de mon expérience personnelle. Ma toute première relation, mon premier amour. Avec Julian Mahogany, qui a joué dans le film mais n'est pas là ce soir. Alexandre, mon petit frère, non plus. Je ne l'ai pas invité, parce que j'ai honte de ce film. Je ne veux pas qu'il le voie. Jérôme, l'ingénieur du son, et Damien, le photographe de plateau, ne sont pas venus. Je suis déçue, Damien est vraiment charmant. Simon regarde le film d'un air boudeur. Il m'en veut encore pour cette nuit, parce qu'il est très rancunier.
Qu'est-ce que c'est qu'un film ? Des images fixes qui défilent si vite qu'on les voit bouger. De la lumière projetée sur un écran. Après, l'intrigue est assez sommaire. Une fille est en couple, elle fantasme sur un autre et culpabilise. Elle rencontre un groupe d'étudiants décadents qui la transforment et tentent de tuer la culpabilité en elle. Mais la culpabilité est tenace, et l'amour une belle illusion. Vaine, mais poétique.
Ce film, c'est un mélange de ma vie et de celle de Julian. Quand il a commencé à fréquenter son « Clan », et qu'ils l'ont éloigné de moi. Je n'avais pas envie d'attendre qu'il arrête de les voir. Je n'avais pas envie d'être le genre de fille qui exige que son copain fréquente seulement ceux qu'elle veut. J'avais envie de vivre ma vie. J'ai flirté avec Bastien, puis j'ai quitté Dijon. Comme une grande.
L'héroïne du film revit tout ça sous mes yeux pour la énième fois. C'est un peu de ma vie qui coule dans la tête des spectateurs. Je me répands, et de cette manière, j'exorcise mes démons.
Lorsqu'ils applaudissent, une fois que le générique final défile sur l'écran, je sens mes yeux briller de larmes.