Altaïr
| Sujet: Fragment #348 - Oh le joli mensonge 14.04.08 11:31 | |
| Mercredi 9 janvier 2008 à Paris Le climat parisien est changeant. Ce matin il pleuvait à verses, et voilà que, vers midi, le soleil fait une apparition des plus brillantes. A travers la fenêtre de l'appartement de Laura, je regarde la rue de la Folie Méricourt, ses passants pressés, son agitation sereine et chargée de vie. Dès lundi, je me suis mis en quête d'un job, épluchant les annonces dans les journaux et sur Internet. Hors de question de rester ici sans rien faire comme ça a été trop souvent le cas. Qui nourrira Sa Majesté, si je ne travaille pas ? Je lance un regard amusé au chat pelotonné sur le canapé, sa queue remuant doucement. Bien sûr, il me tarde de me rendre à l'appartement de Nathan, dans le Kremlin-Bicêtre, voir si la clé que j'ai reçue dans l'Encrier est bien la sienne, voir quel nouvel élément du grand jeu de piste se présentera à moi cette fois-ci. Malheureusement les journées passent à une vitesse folle, et le soir venu les bras de Laura se muent en rets de feu autour de mon corps prisonnier. Qui est la cage de l'autre, désormais ? Comme nous avons changé ! Je me sens tellement plus adulte aujourd'hui, plus responsable, et Laura est presque en phase de devenir une femme, libre, belle, indépendante. Elle m'a montré le scénario de son court-métrage, écrit avec elle par un de ses amis à la faculté. « C'est possible que certains scènes soient modifiées, m'a-t-elle alors prévenu. » Il s'agit d'une histoire d'amour. Oh, pas une vulgaire amourette, non. Laura n'est pas une fille comme ça. Je suis saisi par la lucidité glaçante de ce script. Le doute, le désir de possessivité, le manque de confiance en soi, la recréation mentale de l'autre, la jalousie, les peurs enfouies, les contradictions multiples. Le rôle qu'elle me propose n'est pas très important. Il s'agit d'un serveur qui travaille dans le bar où l'héroïne se rend parfois le soir, sur lequel elle déverse les fantasmes qu'elle n'oserait pas assumer avec son amant. Les deux personnages principaux, quant à eux, me rappellent étrangement quelque chose. « Tu t'es inspirée de nous, hein ? - Quoi ? lance Laura depuis la cuisine sans prêter attention à ma question. - Pour le scénario, tu t'es inspirée de la relation qu'on a eu tous les deux, pas vrai ? - Pourquoi tu dis ça ? - L'absorption du type dans une bande de drogués, ça me rappelle bizarrement un certain Julian et un certain Clan, quand même... » Laura revient vers moi et sourit. « Et puis cette fille qui part et revient sans rien dire, qui ne dévoile rien à celui qu'elle aime, et pour qui elle éprouve tant de peine parce qu'elle n'arrive pas à lui montrer ce qu'elle ressent, parce qu'elle n'arrive pas à se défaire de l'idée que tout ça n'est qu'un jeu... - On dirait moi ? - Ca serait tellement plus simple d'être bêtes, hein ? On pourrait se mentir, se dire qu'on s'aimera toujours... Mais cette foutue lucidité nous crie en permanence : « oh le joli mensonge... » - Tout le monde ne comprendra pas ce film aussi bien que tu peux le comprendre, Julian. - J'ai l'impression qu'il m'est plus adressé à moi qu'aux autres, en fait. - Alors c'est que le script est mauvais. » Laura se renfrogne, vexée. Elle place une main sur sa bouche et se met à triturer les Trois Grains d'Epice sur sa lèvre inférieure. « Non, je reprends, c'est pas ça que je voulais dire... - N'essaye pas de te rattraper Julian, y a pas mort d'homme. Ce qui est dit et dit, ce qui est dit est pensé. Et c'est peut-être vrai. J'en parlerai à Simon. - Simon, ton scénariste ? - Ouais, mon scénariste... » Laura se renfrogne de plus belle. Je passe mon bras autour de son épaule. « Tu es vraiment une peste, tu le sais ça ? J'aime beaucoup ton scénario et j'ai très envie de jouer le rôle de ce serveur niais... Ravi que tu aies pensé à moi pour jouer un pauvre type, ça me changera. - Oh vraiment ? Tu te prends toujours pour un dieu ? - Mais je suis un dieu, Laura... » | |
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