Fragment #75 - Et si on se disait tout (1)

Ma tête me fait mal. Je me suis réveillé d'un sommeil long et empli de cauchemars. Je ne comprends pas tout de suite ce qui m'a réveillé. Je vois un mur en pierres devant moi. Des traînées d'humidité et de saletés couvrent tout le mur. Je n'avais pas encore remarqué. Peut être parce que j'étais dans le noir. Oui, d'ailleurs, c'est ça qui a changé. Je ne suis plus dans le noir. Je sens quelque chose m'agripper par le col et me soulever. Je me retrouve forcé à me tenir debout et à avancer dans un dédale de petits couloirs. La lumière me fait mal aux yeux. La tête me tourne encore.
On m'assoit face à un bureau dans une pièce feutrée. Devant moi, en complet noir sur mesure, Marc Rozia. Je me jette sur lui par dessus le bureau mais deux gigantesques mains viennent me plaquer à mon fauteuil.
« Que vouliez vous faire mon cher ami ? Me tuer ? A quoi bon ? »
Je lui jette un regard noir, j'ai laissé l'acide prendre le pas sur moi. L'acide veut évacuer d'un coup la rage, la frustration de mon enfermement. J'essaie à nouveau de me lever et de l'empoigner. Cette fois les deux mains du géant derrière m'enserrent le coup. L'air cesse instantanément d'arriver dans mes poumons.
Rozia fait un geste de la main. On me lâche instantanément. Pendant un court instant, je crois bien que je ne pourrais pas reprendre mon souffle.
« Bien, bien, bien. Nous avons commencé sur de mauvaises bases. Je trouve cela regrettable. J'aimerais bien qu'on se parle, toi et moi ? Je me permets de te tutoyer, ça ne te dérange pas ? »
Il s'est levé et fais les cent pas autour de la pièce. Il dégage un certain magnétisme. Son costard noir parfait, ses cheveux grisonnant sur les tempes, un sourire carnassier, de grands yeux noirs, et un corps entretenu. Il me regarde du coin de l'œil.
« Alors Damien, tu te souviens ce que je t'ai dit la première fois que nous nous sommes rencontrés ? Tu te souviens de ce que je t'ai promis ?
- Je m'en souviens. Vous m'avez promis de m'aider à retrouver ma petite amie.
- Oui. Et je t'ai menti. »
Nos regards se croisent pour la première fois. J'espère qu'il ressent la haine qui vient de me submerger. Il n'en laisse rien transparaître
« Je t'ai approché Damien, parce que je voulais que tu m'amènes quelqu'un. Mais il a fallu que tu te fies à cette personne et tu as disparu. »
Il marque une pause. Dans ma tête, une cohorte de questions se bousculent.
« Un ami m'a dit de ne pas me fier à vous. Et je crois qu'il avait raison au final.
- Peut-être bien, oui. Mais ne t'en fais pas, Damien. Aujourd'hui, j'ai ce que je veux. »
D'un geste de la tête, le géant ouvre la porte par laquelle je suis rentré. Jé passe la porte, accompagné lui aussi d'un gorille. Il a un œil tuméfié et semble à deux doigt de s'effondrer. Je suis content de le voir, malgré son état inquiétant. Rozia prend la parole.
« Les deux amis réunis. On va pouvoir se dire tout les enfants. N'est-ce pas excitant ? »
Si les yeux de Jé étaient des mitraillettes, Rozia serait déjà mort. Puis il se tourne vers moi.
« Damien, je t'en supplie, ne crois pas un mot de ce fils de pute. »
Un poing fermé atterrit en pleine face de Jé. Il ne bronche pas. Rozia a un énorme sourire sur le visage.
« On va bien rigoler, je crois. »