Fragment #159 – Underground, comme ça se prononce

« Tu aurais pu me prévenir que tu rentrais, je serais venue te chercher à la gare. »
Lulla me regarde à peine, elle continue à essuyer ses verres. Son patron, en revanche, me jette un regard noir.
« T’as l’air d’être folle de joie de me revoir, c’est dingue.
- Sylvia, chérie, je travaille, là. »
Génial. Elle dépose mon café sur le comptoir. Je fouille dans ma poche pour retrouver ma monnaie.
« C’est bon, offert par la maison. » marmonne Louis d’un ton bourru.
Je plaque mes 1,30€ contre le bois ; il me lance des éclairs.
« Oh, lancé-je nonchalamment, j’ai vu Julian.
- Hein ?!
- Oui, Julian. Je l’ai vu à Madrid. »
J’observe l’effet de la bombe que je viens de dégoupiller. (Oui, je sais, ce sont les grenades qu’on dégoupille, mais vous savez quoi ? Je vous emmerde, c’est moi qui parle.)
Deux gamins se lèvent et s’approchent. Qu’est-ce qu’il y a, vous cherchez les toilettes ? Lulla leur sourit, alors je ferme ma gueule. Le plus mignon articule « Julian… Mon frère… A Madrid… » Putain pas moyen d’être tranquille, c’est un vrai moulin ce bar !
« T’es qui toi ? Qu’est-ce que tu veux ? »
Le pauvre semble horrifié ; mais je n’ai pas la prétention de croire que c’est à cause de ma dernière réplique.
« Ma belle, intervient Lulla, soudainement adoucie, c’est le petit frère de Julian. Tu peux lui dire où tu l’as vu, il a peut-être envie de le savoir. »
Mais j’en n’ai rien à foutre, ça ne se voit pas ?!
« Oui j’aimerais bien savoir… gémit le mioche.
- T’es son petit frère depuis combien de temps ? »
Silence.
« Je… Euh…
- Laisse tomber, petit, je te charrie. Quand j’ai vu ce bâtard il était serveur à l’Underground, à Madrid.
- C’est tout ? »
Commence à me gonfler, le petit, là. Tu cherches ton frère, ce héros, hein ? Mais laisse-moi te dire que tu ne le connais pas.
« Bah ouais c’est tout. A moins que tu ne veuilles que je te raconte comment il a voulu me violer en espagnol non-sous-titré, ce connard ?! »
Prend ça et ferme-la. C’est ça, cassez-vous, allez le chercher. Oui, Underground ça s’écrit comme ça. Allez, dehors !
Une fois les deux gosses partis, Lulla se tourne vers moi, visiblement choquée.
« C’est vrai ?
- Non, j’invente, juste parce que je kiffe vous voir tirer des gueules pareilles. »
Je crois que Louis ne me laissera plus jamais entrer au Dion’.