Fragment #161 – Un mois de retard

J’ai le cœur qui bat à cent à l’heure ; l’impression que je vais me pisser dessus. Respirer. Oh, fuck, il me faut une clope. Je m’assieds sur le rebord de la fenêtre, sous le rideau noir qui commence à tomber, allume la Putain de Fumée qui s’embrase sur mes lèvres. Au bout de deux bouffées que je n’arrive pas à savourer, je vérifie pour la trentième fois le texto que je lui ai envoyé tout à l’heure. « Ne bouge surtout pas de chez toi ce soir. » Putain je me suis grillée toute seule, c’est trop flag, trop flag ! Zen.
Je balance la fin de ma clope du haut de mes quatre étages ; retour dans la salle de bain. Cette robe est ridicule, mais je ne peux quand même pas y aller en jean. Elle est trop longue, trop noire, trop brillante. Et mes boucles d’oreilles ont trop l’air d’être en vrais diamants. Et mes chaussures sont trop clairement des Saint Laurent.
A moitié perchée sur des talons vertigineux, je m’approche de la table, réduit en poudre un bout du caillou blanc qui reposait dans son sachet ; former une belle ligne droite me calme, question d’habitude. Deux grosses traces dans chaque narine. Bon, reprenons. Je balance les chaussures à l’autre bout de la pièce ; me défait violemment des mes bas trop sexy. J’arrache le bas de cette putain de robe afin qu’elle m’arrive à mi-cuisse. Une goutte de parfum, une touche de rouge à lèvres. Plus de temps de réfléchir. J’enfile mes Doc Marten’s sans âge. Resserre les doigts sur le bouquet de roses rouges, me précipite dans la rue.
Mon doigt s’enfonce douloureusement sur la sonnette. Je monte les marches au ralenti, frappe à la porte. Respirer.
Elle est tellement belle avec ces étoiles au fond des yeux, je crois que je vais fondre sur place ; j’ai les mains moites. Sa bouche reste entrouverte sans qu’aucun son n’en sorte. Alors je remplis le vide angoissant… En déposant mes lèvres sur les siennes. Je lui tends le bouquet, on dirait qu’elle va pleurer.
« Je… Je sais que j’ai un mois de retard… Bon anniversaire. »
Elle lance presque les vingt-et-unes roses sur la table, ses mains explorent mon dos ; sa langue a un goût de fraise tagada.
Mon souffle dessine un « Je t’aime » dans sa nuque.