Aldébaran
| Sujet: Fragment #27 - Déprime post-coït 10.04.08 16:11 | |
| Samedi 5 août 2006 à Chenôve Je me réveille. Je me réveille et j’aurais voulu perdre tout souvenir de la veille. Mais c’est impossible. Ce plan m’avait lessivé, ça je m’en souviens. Pas un mot, pas un quelconque mot d’amour, pas une parole en l’air. Que des ahanements qui résonnent encore dans ma tête. Cet homme était fait pour me plaire, merde, pourquoi ai-je alors choisi d’en faire l’homme d’une nuit, celui qu’il ne fallait surtout pas revoir ? Un fantôme dans une existence diaphane. Je veux le revoir. Je m’en veux d’avoir fait ça. Nous n’avons pas échangé un seul mot qui aurait pu nous lier. Que des mots qui séparent, les mots d’une unique fois. Des insultes, des crachats, des je-t’aime-moi-non-plus. J’ai aimé ramper, pourtant, être moins que rien. Mais je n’en veux plus, de ça. Je veux exister à nouveau. Et je veux exister pour cet homme, avec cet homme. Mon blond, 1m80, bien foutu, tu dois avoir un nom. Et ce nom, je le veux pour moi. Je te veux pour moi, mon Nicolas, mon Julien, mon Eric, mon… tu ne m’as même pas donné de nom. Je ne te l’ai même pas demandé. C’est comme si nous ne nous étions même pas connus. Nos corps se connaissent, dans un rapport violent, de domination, de soumission, de relâchement des chairs, de tension extrême. Mais ce que je veux, moi, c’est une rencontre, une communion des esprits. Quelque chose qui m’attache à toi. Je dois te revoir, je dois te parler et te faire exister à mes yeux. Par un prénom, par un nom, par une adresse et une profession. Car c’est par cela que nous existons dans ce monde terre-à-terre. Mais beaucoup plus, je veux te connaître, savoir tes plats préférés, savoir si comme moi tu aimes l’odeur des champs le matin à l’aube. Je veux pouvoir te regarder dormir, sourire dans tes rêves. Je veux te consoler, savoir quand tu as mal, reconnaître tes larmes de joies de celles qui montrent ta souffrance. Je veux dessiner chaque recoin de ton visage à la paume de ma main, couvrir les méandres de ton corps de ma paume tiède, embrasser l’orée de ta nuque. Je veux te réveiller avec l’odeur de mon café, te serrer dans mes bras jusqu’à t’étouffer, je voudrais pouvoir mourir pour toi ; toi que je ne connais même pas. Toi le blond, 1m80, bien foutu, ou n’importe quel autre, ou n’importe quelle autre. Je veux compter pour quelqu’un. Je veux pouvoir blesser et rendre heureux. Je veux enfin être tout-puissant. Je t’appellerai dès demain, mon blond. Je t’inviterai boire un verre. Comme si nous ne nous étions encore jamais vus. Nous discuterons. Je t’inviterai à la maison. Et je te veux mon ami ; avant d’être mon amant. Je veux que tout soit parfait. Je veux oublier ces temps troublés dans lesquels je n’avais plus d’air, enseveli dans la vase de l’océan de mes larmes. Je veux renaître à la surface. Tout se passera comme une première fois. Et peut-être enfin la vivrais-je, cette première fois. | |
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