Bételgeuse
| Sujet: Fragment #15 - Le plus vieux métier du monde 10.04.08 19:59 | |
| Jeudi 13 juillet 2006 à Dijon Quelle idée de me donner rendez-vous avec la chaleur qu’il fait ! Je suis rue de la Liberté, et j’essaie de me souvenir de ce qu’il m’a dit. J’ai du mal, le soleil et le manque de sommeil se combinent pour me faire tourner la tête, je me sens totalement étrangère à tout ce qui se passe autour de moi, et ses mots ne sont plus qu’un vague souvenir. Alors…Il m’a dit « Le Grand Café, l’hôtel à côté du Grand Café ». Ok. Mais où il est ce « Grand Café », déjà ? Ah oui, vers les Galeries. Je passe à côté de la fontaine de la place François Rude, je m’y arrête pour me passer un peu d’eau trouble sur le visage. Plusieurs groupes de jeunes sont assis sur le rebord et me regardent bizarrement. Vous voulez ma photo, petits cons ?! Puis je continue mon chemin, les gens me bousculent de leurs épaules collantes de transpiration, je crois que je vais vomir. Quelques poufs devant H&M. L’odeur sucrée de Sephora. Et puis la foule qui attend le bus. Je plane tellement que je remarque à peine qu’on m’interpelle. « Hey Sylvia ! » Je m’arrête. C’est bien mon nom que j’ai entendu, là ? On s’approche, je tourne la tête. Je connais ce visage, mais je ne me souviens plus. « Ah euh oui, désolé, je me suis permis de regarder votre nom sur la boîte aux lettres… Comme vous ne me l’aviez pas donné… Ca va ? Le gâteau était bon ? - Oui, oui. » Je déglutis. « … Je… Je peux vous offrir un café ? Ca me ferait plaisir de parler avec vous… - Oh désolée, je… j’ai rendez-vous. - Ah… - A...avec mon propriétaire. Pour le loyer. - Oh. Et bien bonne fin de journée. - Euh oui. Enfin je veux dire, merci. Vous aussi. » C’est dingue, il me suit, ou quoi ? Non mais je rêve ! Il a regardé les boîtes aux lettres pour trouver mon nom ! Il est taré… Ca y est, le Grand Café, l’hôtel à côté. J’entre. Une connasse blonde avec un sourire de pub Signal m’accueille. Que puis-je faire pour vous, blablabla… Je lui demande le numéro de la chambre de Mr Mizri. Je vois à sa bouche qu’elle crève d’envie de savoir pourquoi je rejoins ce vieux au nom qui résonne comme une annonce de misère, mais elle ne peut pas poser de questions. Elle aimerait juste que je lui fasse des confidences. Qu’elle crève ! Chambre numéro 13. Ce vieux con fait tout pour me mettre mal à l’aise. Allez, j’ai intérêt à être polie, c’est le seul qui accepte de me louer un appart’ sans garantie de salaire. Enfin il me connaît assez pour savoir que je pourrais toujours ramener de l’argent. Lui-même parle de moi à ses amis. Je frappe. Un coup lent, trois rapides, à nouveau un coup lent. La porte s’ouvre sur ce vieux au nom qui résonne comme une annonce de misère. | |
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