Fragment #8 - Ce symbole qui nous relie

Encore un foutu dimanche. Un jour qui ne sert à rien. Je me suis réveillée ce matin avec un goût de bile plein la bouche, une envie de gerber à n'en plus pouvoir. La soirée d'hier au club de l'Enfer m'a complètement ravagé. Je ne veux pas sortir de mon lit de toute la journée. Je veux rester sous la couette pour oublier que le monde tourne. De la lumière filtre à travers les volets. Le ciel est blanc, aveuglant.
La faim finit par me tenailler les boyaux. Je me lève, puis me traîne jusqu'à la cuisine, sans prendre la peine de m'habiller. Des restes de la veille, ou pire, de l'avant-veille, ont envahi l'évier. Je n'arrive pas à me motiver à faire la vaisselle, à plonger mes mains dans cet amas de casseroles, d'assiettes sales, garnies d'aliments séchés ou moisis. Je ne veux pas sentir l'odeur immonde du produit dégraissant, je ne veux pas qu'il me ronge les doigts ou les rougisse.
J'attrape un paquet de céréales. Commence à les grignoter sur mon lit, assise en tailleur. L'odeur de mon corps embrume mon cerveau. Affamée, je sens mes doigts trembler. Allez Maya, il faut que tu te nourrisses, si tu ne veux pas faire une crise d'hypoglycémie en plein farniente. Mes paupières me brûlent. Je voudrais pleurer. Je voudrais appeler Sethi, lui dire que je me sens mal, que tout s'effondre à nouveau depuis que 2009 a commencé (peut-être avant, même, peut-être que tout a commencé quand je suis descendue à Toulouse pour te retrouver, petit frère). La mort de Julian pour sauver ta vie. Mon dégoût pour les choses comme pour les êtres.
Je sors d'un tiroir, soigneusement dissimulée, ma petite croix égyptienne. Je la caresse entre mes doigts, précieusement. Quand mes doigts effleurent son or, c'est l'encre sous ta peau que je peux sentir, mon cher Sethi. Ce même symbole qui nous relie, malgré la distance qui sépare nos corps.
Ne change pas trop vite, petit frère. Prend soin de toi.
Tu es la seule personne que j'aime en ce triste monde.