Fragment #518 - Nous t'oublierons

Nous rentrons. Sitôt l'enterrement terminé. Je laisse derrière moi un frère à l'hôpital, un frère endeuillé, et un ami décédé. J'aurais voulu rester encore, mais Lola a insisté pour que nous retournions à Paris. Et mon grand-père a dû faire appel à Nathalie pour me remplacer en urgence.
Pourquoi sommes-nous venus ? Finalement, nous aurions mieux fait de rester chez nous, et d'envoyer un simple message à Lilian. Peut-être que rien ne serait arrivé. Peut-être que Florian n'aurait pas accéléré. Peut-être que la voiture n'aurait pas percuté ce camion de plein fouet.
Et Robin n'aurait pas perdu la vie.
Pourquoi est-ce lui qui n'a pas survécu à l'accident ? Au fond de moi, je me surprends à préférer sa mort à celle de Florian ou de Lola. Et je me répugne, car je remercie le destin d'avoir arraché sa vie plutôt que la leur. Je n'aurais pas survécu à la perte de mon frère, et encore moins à celle de ma fiancée. Je revois encore Lilian tomber sur le sol, ce matin, et moi courant pour le relever et le serrer contre moi. Petit frère, comment pourras-tu traverser cette épreuve et t'en sortir indemne ? Comment peut-on vivre une chose pareille à vingt ans à peine ?
« Viens nous voir sur Paris », lui ai-je murmuré. Peut-être qu'un peu de dépaysement l'aidera à surmonter la tragédie. Peut-être pas.
Le TGV nous ramène à la capitale. Je prends Kokhavah dans mes bras, et elle se met à rire. L'innocence de notre petite fille me régénère, et je souris à mon tour. Nous ne pouvons pas nous arrêter sur ceux qui nous quittent. Nous devons aller de l'avant. C'est sans doute terrible de dire les choses ainsi, mais nous t'oublierons, Robin. Et cela vaut mieux pour tout le monde.