Fragment #45 – Dis Lilian, t'es heureux ?

Aujourd'hui, le temps est clément. Je me promène avec Robin, main dans la main, à la Combe à la Serpent. Nous nous lâchons dès que nous voyons quelqu'un passer, puis nos doigts se retrouvent, et nos visages s'illuminent de nouveau.
« Dis Lilian, t'es heureux ?
- Ben oui, je réponds en souriant, ça se voit non ?
- Oui...
- Et toi Robin, t'es heureux avec moi ?
- Terriblement.
- Alors je suis encore plus heureux. »
Parce que bientôt, nous repasserons notre concours. Parce que cette fois, nous l'aurons. Parce que j'ai tiré un trait sur mon passé grâce à cette saleté d'Anne. Parce que rien ne peut entraver mon bonheur, quand je suis avec Robin.
« Tu sais, il me dit, il y a quelque chose qui me gêne un peu.
- Comment ça ?
- Dans notre relation, je veux dire. »
Aussitôt, mon coeur se met à battre la chamade. Non Robin, ne me fais pas ça. Je crains le pire. Je ne veux pas que ça arrive. Je t'en prie...
« Explique-moi, je balbutie d'une voix asséchée.
- Je sais pas comment te le dire. Je t'aime et je voudrais te le montrer de toutes les façons possibles, mais je n'ai plus d'idées, et il y a des choses que je voudrais t'offrir mais qui sont trop chères... Je voudrais tellement être riche pour te donner tout ce que tu veux.
- Mais j'ai tout ce que je veux, Robin. Tu n'as rien à me prouver.
- J'en ai envie quand même, Lilou. »
Bon, si, il y a quelque chose qu'il pourrait faire. Mais jamais je ne serai capable d'aborder le sujet avec lui de but en blanc. Jamais je ne pourrai lui révéler mes fantasmes. J'ai voulu le faire à plusieurs reprises, mais j'ai trop peur de me sentir jugé, méprisé, et qu'il ne m'aime plus. J'ai trop peur de froisser dans son coeur l'image qu'il a de moi.
« Tu penses à quoi ? il demande.
- A rien, je réponds.
- Menteur, il sourit.
- Arrête de lire dans ma tête, vilain !
- Je sais que tu penses à un truc, Lilou. Dis-moi, je suis prêt à tout pour satisfaire tes désirs. »
Il se met devant moi, à genoux, il me tient la main en souriant. Je le connais, je sais qu'il ne bougera pas tant qu'il ne m'aura pas fait craquer. Mais je ne peux pas le lui dire, c'est impossible.
« Non Robin, c'est...
- C'est quoi ? Dis-moi !
- Mais non, c'est pas important...
- C'est important pour moi.
- J'ai...
- Tu as ?
- Trop peur que tu me rejettes...
- Je ne peux pas, je t'aime.
- Même si ça salit mon image ?
- J'aime ton image, quoi qu'il lui arrive.
- Tu serais prêt à tout, vraiment tout ?
- Vraiment tout, tout, tout.
- Même si c'est sexuel ? »
Son regard se fait plus dense. J'aime ces prunelles noisettes et craquantes. J'aime ce sourire mignon et coquin sous les boucles de ses cheveux châtains. J'aime ce visage doux, cette peau claire et rose. Mais j'aimerais voir ce masque devenir mauvais et méchant, je voudrais le regarder se tordre et devenir cruel. Je voudrais en avoir peur.
« Même si c'est sexuel, il répond. »
Je prends une grande bouffée d'air, puis m'élance :
« J'aimerais bien que tu sois plus violent, parfois. »