Shedar
| Sujet: Fragment #4 - Inversement générationnel 11.04.08 12:07 | |
| Mardi 12 décembre 2006 à Dijon Cinq heures. Je l’ai attendue pendant presque cinq heures. Je suis même retourné plusieurs fois appeler à ce numéro, que désormais je connais sur le bout des doigts. Mais la vieille n’est pas venue. Je ne comprends pas pourquoi, mais je ne lui en veux pas. Pourtant j’essaie, convaincu des bienfaits de la haine. A consommer avec modération bien sûr, la haine... La vieille n’est pas venue. C’est soûlant. Vraiment. J’ai très envie d’aller au milieu des gens, et de crier. Crier très fort. Crier que la vieille est bizarre, crier qu’elle m’intrigue. Crier qu’elle joue avec moi, crier qu’elle monopolise mes pensées. Crier qu’elle me tient comme son chien au bout d’une laisse, comme son pantin au bout d’une seule ficelle, le fil de son téléphone, sans même avoir besoin de répondre. Crier que d’habitude ce sont les jeunes qui volent les vielles. Crier que la vieille n’est pas venue... Moi, je suis revenu écouter le mélodieux silence de la porte. Elle est devenue un repère, un refuge. Sur le mur la sonnette et ma main se regardent comme chat et chien, comme d’habitude. On n’est plus à un chien près. Je pourrais dénoncer la vieille à la porte, mais de peur d’être déçu, je ne dirai rien moi non plus. Ca fait déjà des jours que je cherche en moi des souvenirs de ce lieu. En quête de l’indice. Je n’ai trouvé que des impressions. De nombreuses impressions parfaitement identiques. Je crois que je l’ai toujours vu ainsi. Je crois que cette porte m’a toujours regardé ainsi. Avec la même expression. Dépressive. Comme si les riverains l’évitaient, entraient et sortaient par derrière, lâchement. Je crois que, de ma vie, je n’ai jamais vu personne ouvrir ou fermer cette porte. Peut-être qu’en vrai plus personne ne vit dans cet endroit depuis longtemps. Je viens passer tellement de temps devant elle que j’ai même eu le temps d’oublier que le temps passait par là aussi. A présent je peux même apercevoir le passé me dépasser. Il a sûrement déjà plusieurs tours d’avance. J’ai passé tellement de temps, pour tellement rien. Peut-être. Cependant je vais rester encore un peu, car « peut-être » n’a jamais anéanti suffisamment d’espoir pour effrayer mes rêves. Un jour cette porte s’ouvrira. J’attendrai ce jour. Rattraperai le temps perdu. J’aurai percé le secret qui entoure la vieille avant ce jour. J’espère. D’habitude ce sont les vieilles qui protègent les secrets... | |
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