Fragment #69 – Je suis une salope

Matthieu m'a invité chez lui aujourd'hui. Il me prépare un cocktail. Il est trois heure de l'après-midi. Dehors, le temps se détériore petit à petit, et je crois que l'on peut dire adieu à ces beaux jours qui s'annonçaient précoces. La feinte du printemps nous a encore bien eu, cette année.
Matthieu est en débardeur et son bras gauche, du coude jusqu'à l'épaule, est tatoué de bleu, de noir, et de rouge. Un dragon serpente sur sa peau, vomit du feu le long de ses biceps, étalant fièrement ses écailles rutilantes comme des rubis.
Je déguste son breuvage corsé en grimaçant un peu. Cette mimique le fait sourire, un peu à la manière de Nicolas, comme si j'étais un gosse aux côtés de son grand frère. Évidemment, ce n'est pas avec Florian que je passerais d'aussi bons moments.
L'alcool m'envahit doucement, et, peu à peu, je me dis que je me fiche de voir mes journées passer avec paresse, je me fiche de ce qu'en penserait les gens, à la fois mes parents, mes frères, mes amis, ou même Nicolas.

Je veux juste te sentir en moi, te déverser dans mes fesses et me faire jouir en me maltraitant. La puissance de tes bras qui m'enserrent et me coincent contre le matelas. Ton souffle rauque qui vient chauffer mon oreille. Les gaz aphrodisiaques du poppers sous mon nez. Je me fiche de ce que je suis en train de faire de ma vie. Je me fiche de devenir ce que j'ai toujours fui. Je regarde Robin, droit dans les yeux, et son âme me juge en pleurant. Je soutiens ce regard plein d'amertume, et je souris, car je me fiche de toi aussi, mon amour. Je suis une salope. Oh oui, encore du sexe, encore, encore, encore, de la sueur virile et ta peau d'homme contre mon dos et mes cuisses, des gémissements masculins et la force de tes muscles, je veux sentir tout ça, encore et encore, que ce soit Nicolas, Matthieu, Maël, ou d'autres garçons. Baisez-moi à tour de rôle car plus rien ne me rattache à votre monde. Je ne veux pas continuer à vivre dans une réalité que je ne digère pas. Je vais gerber sur vos idées reçues, renvoyer toute cette morale périmée comme une flaque dégueulasse sur le macadam. Oh oui Matthieu, baise-moi comme si plus rien d'autre n'existait en cet univers. Ne t'arrête pas, pitié, ne t'arrête pas. Je veux te sentir en moi pour l'éternité, dans l'attente d'un orgasme qui ne viendra jamais.

Ça vous écœure ?
Je m'en fiche.
Moi je ne me lasse pas.