Fragment #92 - Une nouvelle opportunité

Les manches de sa chemise noire sont relevées au dessus des coudes et révèlent des avant-bras musclés. Le col est relevé et lui donne un petit air voyou. Maxence, le serveur de « La Fourmi » s’active derrière son bar.
Je verse mon Coca-Cola dans le verre plein de glaçons et écoute le bruit des bulles qui s’agitent, qui s’excitent. La première gorgée est toujours surprenante : c’est d’abord, pendant une seconde, une sensation de fraîcheur très vite recouverte d’un millier de bulles légèrement acidulées avant de s’achever sur un goût de sucre à l’arrière goût caramélisé.
L’envie d’une cigarette me saisie, soudaine et violente. Le désir m’envahit, malsain et bestial, je me transforme en monomaniaque durant une seconde. Le besoin disparaît aussi rapidement qu’il est apparu, aussi vite qu’il fut intense, en un éclair. Il me faut une seconde pour me remettre de cette lutte, de cet effort de volonté.
Les yeux charbons ont, durant ce laps de temps, apporté un café à la table sise derrière moi. Ils discutent tranquillement sans se presser. Maxence à l’art d’accorder quelques minutes à chaque habitué.
- Alors, vous avez trouvé quelqu’un ?
- Non, toujours pas. On cherche un serveur sexy et pour le moment on a surtout des boudins. T’es sûr de ne pas être intéressé ?
Maxence rit avant de répondre sur un ton enjoué :
- Oui, j’en suis certain, je n’aime pas trop la clientèle des cabarets.
- Ouais, je te comprends…
La conversation se poursuit autour de choses plus personnelles tandis que mon esprit s’échauffe : un poste de serveur à pourvoir, c’est totalement dans mes cordes.
Je termine mon verre en fantasmant sur ce job ambiguë : le serveur dégage quelque chose de fascinant et de bohème tout en étant régulièrement méprisé. Durant ce temps, mon voisin s’est enfoui, son café à peine avalé.
Je m’approche de Maxence pour régler :
- Merci, passe une bonne journée Maël.
- Ouais, merci, mais je voulais te demander… J’ai entendu qu’il y avait un poste à pourvoir comme serveur, dans un cabaret ?
- Euh, ouais, pourquoi ? Ça te branche ?
Son regard est sceptique. Il sait que je viens de m’acheter un appartement, ma recherche d’emploi doit lui sembler incohérente.
- Oui, assez à vrai dire.
- D’acc, viens là que je te file l’adresse.
Je le suis au comptoir où il me note une adresse et un numéro de téléphone.
- Passe demain, vers quinze ou seize heure. Ils seront prévenus. Appelle-les quand tu es devant.
- Merci, c’est vraiment sympa.
- C’est tes pourboires qui sont sympas, bonne chance.
Il m’adresse un clin d’œil et retourne à son boulot. Je glisse le papier dans ma poche, heureux de cette nouvelle opportunité.