Fragment #50 - Big Exit

Javier m'aide à exporter le court-métrage en format léger, afin qu'il tienne sur Dailymotion et Vimeo. Je regarde la petite barre de calcul qui progresse lentement, impatiente. La réalisation de ce film aura été rapide. J'ai tourné sans me prendre la tête, sans en faire trop. Juste les acteurs, une caméra, un bon micro, et moi. Mis en boîte en une semaine, Romain et Louis étaient tout simplement excellents en couple gay ébranlé par la mort. Louis mériterait presque un Oscar pour son interprétation pathétique lors de la scène de la cathédrale.
« Tu as été efficace, me lance Javier.
- Tu m'étonnes, je réponds. »
Il est dix heure du matin. Nous avons monté toute la nuit et je suis exténuée. Après avoir démissionné chez McDo, une vague d'énergie a déferlé en moi et m'a poussée à agir au plus vite. J'ai bombardé les boîtes de prod de CV, ainsi que les différentes chaînes de télévision (sans rien obtenir de concret : dans ce milieu, quoi qu'on en dise, seul le piston fonctionne véritablement). En quelques jours, j'ai écrit le scénario de Des vitraux et des hommes, planifié le tournage, contacté les acteurs, les techniciens, arrangé un accord avec une église pour quelques prises de vue. Cette efficacité me fait du bien, et, comme lors de la naissance d'Oh le joli mensonge, j'assiste à l'enfantement de Des vitraux et des hommes avec une intense émotion, décuplée par la fatigue.
Je sens mon portable vibrer dans ma poche, et décroche.
« Allô, Dam ?
- Salut ma chérie.
- Je suis avec Javier, le monteur. On est en train de sortir mon film.
- Tu es fière de toi ?
- Très !
- Cool. Tu viens me le montrer ce weekend à Lille ?
- Avec plaisir !
- On pourrait se faire une soirée tous ensemble samedi, avec Claire, Sean et Dim. Ca te dit ?
- Carrément. Tu m'appelles tôt au fait...
- J'avais envie...
- Je t'aime.
- Moi aussi ma chérie. »
Je raccroche. Récupère le DVD de mon second film. Embrasse Javier et quitte son appartement. Dans le métro, je colle mon iPod sur les oreilles et lance le son de la BO de Des vitraux et des hommes. La voix envoûtante de PJ Harvey éclate dans mes oreilles, et je ferme les yeux. Quelques songes, comme des plop, effleurent mes pensées fatiguées.
Je courrais presque dans des steppes désertiques, avec des chevaux. Ça fait du bien.