Fragment #20 – Mario

Samedi 16 mai 2009
à Plombières-les-Dijon

Les enfants viennent de sortir. Ils sont partis en vélo, j'ai le temps de l'écrire cette lettre. C'est le meilleur moyen que j'ai trouvé pour lui dire. Le seul à vrai dire.

Mario,
D'abord, excuse-moi de ne pas répondre à tes appels, mais je ne saurais pas quoi te dire.
Notre histoire était belle. Pourquoi a-t-il fallu que tu gâche tout ? Et ne me dis pas que c'était par amour, tu savais très bien que je n'étais pas prête. Je te l'avais dis. Même si ma maison est trop grande pour moi toute seule, je ne l'aurai pas vendu pour m'installer avec toi. Mais cela ne signifiait pas que tu pouvais venir t'installer définitivement chez moi. Un weekend, une semaine, tout allait bien. Il n'y aurait eu que toi, mais tu as encore ta fille à charge un weekend sur deux. Rendre ton appartement était une folie. J'ai appris que grâce à Dieu, tu as pu le relouer, personne n'y ayant encore emménagé.
Démissionner aussi était une folie. J'étais heureuse avec toi, quoi que tu aies pu en penser en m'entendant dire que je n'aime pas mélanger vie privé et vie professionnelle. Ta démission ne m'a pas rendue plus heureuse, bien au contraire. Je me sens responsable du fait que tu n'as plus de travail. Et ce n'est pas pour t'enfoncer, mais à ton âge et en ces temps, trouver en emploie n'est pas si facile. Nous ne sommes plus des enfants, tu aurais dû m'en parler avant. Je suis déçue de ton attitude.
Au fond, il ne tient qu'à toi d'avoir perdu ton travail, et de m'avoir perdu. Je regrette pour ma part ces soirées que nous partagions. Mais je sais que plus jamais je n'aurais pu passer de si bonnes soirées avec toi.
Ne cherche pas à reprendre contact si tu espère plus qu'un peu d'amitié.
Prends soin de toi.
Amicalement,
Sylvie.

Je la relis plusieurs fois. C'est court, c'est un peu brouillon, mais je ne ferai pas mieux si je recommençais. Je crois que l'amour est le seul domaine dans lequel je n'ai jamais su être organisée. Cette rupture est encore la preuve qu'un manque de communication conduit forcément au désastre. Je ne suis pas vraiment triste, je suis surtout déçue. Déçue. Je croyais être rodée, avec les années, mais il y a toujours de choses qui ne se passent pas comme on le souhaiterait. Pauvre Mario. Mais entre son bonheur et le mien, je me suis préférée. C'est vrai, nous ne sommes plus des adolescent, nous connaissons suffisamment le monde pour savoir qu'une erreur est si vite arrivée et qu'il ne sert à rien de se précipiter, encore moins de se jeter à corps perdu dans un amour dont on ignore tout de l'avenir.