Shedar
| Sujet: Fragment #43 - Les Bas de Michelle 11.04.08 12:55 | |
| Dimanche 13 janvier 2008 à Dijon « Un whisky s’il te plaît Dimitri. » Michelle s’assoit seule à une table au milieu de cette grande salle. Je ne l’avais jamais vue si, si quoi d’ailleurs. Si fatiguée, oui mais pas seulement. Elle ne parle pas, n’écoute pas, ne regarde pas. Elle ne sourit pas. Elle ne pleure pas non plus. Comme si l’hiver l’avait prise pour cible, gelé une tristesse au point d’en égarer la source. Je vais chercher un verre à la source du whisky et le lui apporte. Je croise en passant le regard de Louis, un regard qui me dit de ne pas m’inquiéter, de ne rien dire, un regard qui me dit de juste compter les verres à partir du deuxième, au cas où, si jamais. Mais apparemment jamais. Michelle se rafraîchît d’une pincée de lèvres et repose le reste un peu plus loin, au milieu de la table, presque avec la promesse de ne pas y retoucher avant l’automne. Alors je la laisse en elle. Michelle est un monde. Aujourd’hui, Michelle est un monde où le temps s’est arrêté, en plein hiver. Un monde où tout se laisse convaincre par le lointain soleil, et le sommeil, de se lasser du froid, de s’endormir d’ennui. De se laisser mourir. D’oublier, de s’oublier. Aujourd’hui Michelle est un monde qui s’oublie. « J’ai oublié de donner à manger au chat ! » La petite dame se lève brusquement, boit son whisky cul sec, comme un marin, remet son écharpe et son manteau, et le cap sur la maisonnette. Elle dépose en partant son verre vide sur mon plateau, avec un sourire. Le sourire de Michelle. Je me retourne vers Louis, qui porte à son visage le même que sa maman. Alors je souris moi aussi, en acceptant de ne rien comprendre à ce qu’il se passe dans cette famille de fous. En espérant devenir un fou moi aussi. « Elle est souvent comme ça ? - Non, mais ça lui fait du bien de faire une pause de temps en temps. Et moi ça me rassure. - Comment ça ? - C’est la preuve qu’elle est presque exactement comme tout le monde, avec des hauts et des bas. Tu ne crois pas ? » Comme tout le monde. Peut-être. | |
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