Fragment #2 - Le Point

Ce matin, je repense à ce qu'a été ma vie jusqu'alors. Il est toujours des moments comme celui-ci où l'on se sent presque obligée de faire un point d'étape, comme d'autres font des Bilans Annuels.

Voilà près de huit ans que j'habite la capitale. Cela s'est présenté à moi comme l'évidence même. Je suis originaire du nord, de Douai pour être plus exacte. Je n'y ai pas eu une enfance malheureuse, rien d'extraordinaire ne m'y est arrivé. J'ai souvent entendu des histoires fabuleuses de mes amis, enfants rebelles ayant fait le mur à quelques occasions, s'étant fait prendre à boire dans la bouteille de Whisky de papa, d'autres surpris à voler de petits butins chez les commerçants. Reconnaissons-le, j'étais une enfant facile à vivre et à gérer.

Ma sexualité fut tardive et mon premier partenaire était un homme bien plus âgé que moi. Je voulais en finir avec ma virginité, il fut ravi de m'assister dans ce désir. Quand ce fut fait, il me glissa un billet de 500 francs dans la poche et me remercia. Le geste ne me choqua pas. A l'inverse, il m'apprit que je pourrais faire usage d'une libido naissante et déjà affamée.

D'hommes en hommes, je suis parvenu à parfaire ma technique, à apprécier l'inappréciable.

Aujourd'hui, mon terrain de chasse est virtuel, les réseaux sociaux, les sites de rencontres sont un vivier sans cesse renouvelé de clients en demande. J'ai peu d'amis, mais ceux qui me connaissent me qualifie de prédatrice. Peut-être est-ce vrai ?

Mais si Paris est une jungle d'hommes affamés, moi je suis volontiers celle qui leur offrira le couvert.