Altaïr
| Sujet: Fragment #166 - Les Lois de l'Attraction 11.04.08 13:10 | |
| Dimanche 31 décembre 2006 entre Dijon et Talant Zoé et Christophe La voiture déboule en trombe devant la maison. Il fait nuit, et les phares déchirent l’obscurité. Maman nous adresse un signe de la main tandis que Lola, Lilian, Alexandre et moi montons sur la banquette arrière en nous serrant autant que possible. Zoé, la meilleure amie de Lola, installée sur le siège passager, se retourne vers nous avec un sourire pétillant. Petite et pleine de vie, elle semble surexcitée. « On va où finalement ? s’enquiert Lola. - Chez une amie à moi, répond Christophe, le petit ami de Zoé, en démarrant brusquement, ce qui n’a certainement pas manqué de bloquer le rythme cardiaque de Maman pour quelques secondes. Elle s’appelle Christelle. » Lilian et Alexandre Lola et moi venons à peine d’arriver à la maison, fin prêts pour la soirée, habillés élégamment, Lola dans sa fine robe noire et moi sous une veste de velours bleu marine. Mon frère et son « amie » descendent les escaliers en courant. En découvrant le jeune garçon qui accompagne Lilian, petit, brun, les yeux rieurs et la bouche… - comme celle de… - je réprime un mouvement de surprise. « Je croyais que c’était UNE amie, me glisse Lola à l’oreille. - Julian, Lola, je vous présente Alexandre, mon meilleur ami, nous annonce mon jeune frère qui, malgré l’occasion, ne s’est pas résigné à couper les cheveux qui lui tombent devant les yeux. » Christelle Du khôl noir autour des yeux. Son immense maison bourgeoise perdue dans le vieux Talant nous accueille parmi une foule d’invités. Christelle a une haleine fraîche et sucrée, comme une odeur d’amande, et sa bouche exerce une terrible attraction sur la mienne. Derrière elle, je découvre la présence de… Jonathan … celui qui a su me faire succomber à son charme et me dérober à la fille que j’aime, celui qui a franchi le barrage de ma chair pour s’y déverser, le lion tentateur aux cheveux d’or et aux bras de Sanson. Nos regards se croisent un instant puis se fuient. Ne le regarde pas Lola. Lola ? Carla, Anne-Ka, Gwen Elle a rejoint ses amies avec Zoé, tandis que Christophe discute avec un certain Julien, un Eric et un autre type, au regard bizarre. Les filles parlent fort et je regarde Lola les prendre dans ses bras, rayonnante de bonheur. Il me semble que sa joie me sublime, car je me sens tout puissant. Je suis un dieu ce soir. L’autre type me fixe. Avec son regard. Qui est-il ? Romain « C’est son prénom. » Ne m’approche pas Jon. Nous n’avons rien à nous dire. Ne me touche pas. « Ecoute Julian, je suis désolé pour… tout ça. » Tout ça. Ce rouge dans tes yeux, tes cernes violacées. Ton charme s’est éteint. Est-ce que Jed t’a quitté ? Le type me regarde. Avec son regard d’orage. Un ouragan dans chaque prunelle. Plein de bleu. Il n’est pas là. Il oscille entre deux dimensions, la notre, tangible, et une autre, immatérielle, chargée de possible. C’est un dieu, comme moi ; mieux vaut ne pas s’en approcher. Une fille l’accompagne. Non, c’est impossible Sylvia Mais si, c’est bien elle, la femme aux cheveux de sang. Celle qui ravive en moi les souvenirs de ce temps perdu et oublié, le temps de la meute où tels des chiens nous étions reclus dans un Clan de dépravés sexuels, expérimentant les affres de la drogue et de l’alcool. Sylvia a l’air fatigué. Lendemain de voyage, ou dopage à l’héro ? Tu n’as pas changé Sylvia. Toujours cet air anéanti, détruite par ton incapacité à t’en sortir. Je te hais. A moins que je ne sois plein d’admiration pour cette intelligence incontrôlable qui bouillonne en toi, comme du métal en fusion, et que personne d’autre que moi n’a su découvrir. Mathieu Je suis dans l’ancien appartement de Nalvenn et Sébastien, il est 14h37 et nous sommes Samedi 30 Décembre 2006. Mathieu m’apporte un verre. Il paraît que son job de livreur de pizzas se passe bien. Il a même rencontré une fille. Est-ce qu’il voudrait passer le réveillon du jour de l’An avec nous ? Peut être, il en parlera à la fille. Mais il n’est pas venu. Lola Elle semble saoule. C’est la première fois que je la vois dans cet état, ma princesse ivre. Elle titube en imitant une oie avec Zoé, plongée quant à elle dans l’imitation subtile de l’orang-outan en rut. Christophe, dans un semi coma éthylique, la regarde avec passion depuis le canapé, où s’entreposent depuis le début de la soirée les corps gorgés d’alcool. L’espace d’un instant, je repense à Jill et Gautier. Lola s’approche de moi et sa bouche qui empeste le gin se colle contre la mienne. Sylvia nous regarde, je sens son regard de feu et de sang se déchaîner, pire encore que celui de la Pieuvre, elle nous enserre dans ses yeux-carnage et dépèce notre image à coup de dents-pensée qui nous jugent. Quelle heure est-il ? Nous nous éclipsons discrètement. Christelle nous adresse un clin d’œil tandis que je pousse Lola dans la salle de bain. Il redresse la tête, et son visage se dessine dans le miroir au dessus du lavabo. Jed Le sang. Le sang qui envahit ma bouche. Merde Jed, arrête, t’es dingue, oh Jed ! Lola hurle. Les poings s’abattent sur mon visage et mes côtes. Briser mon visage de dieu. Ca aurait été trop facile, de passer à autre chose, d’être heureux, hein ? Non, il fallait payer. Je me dis que nous sommes un peu comme des particules, tous, des particules de conscience qui se heurtent en provoquant des sons propres à chacune des combinaisons possibles, des sons doux ou dissonants. En cet instant, la particule Jed Cléart et la particule Julian Mahogany produisent le son le plus sanglant qui puisse exister, sans que la particule Lola Sinclar ne puisse s’interposer. Ce sont les Lois de l’Attraction. Est-ce le destin qui nous a réuni ? Ou bien le hasard ? Allongé par terre, roué de coups, je pense à tout ça. On a pas idée de penser en de telles situations, mais c’est plus fort que moi. Je ne pourrai pas te remercier pour m’avoir rendu pur corps l’espace d’un instant, Jed, car mon esprit s’y agrippe sans relâche. C’est avec mon Ame que je devrai connaître le bonheur. Lola tire Jed par le bras, mais ses pieds heurtent mon ventre et mon dos. Je me replie sur moi comme un fœtus sous les coups qui pleuvent et frappent mon corps. Arrête Jed… Ma voix s’étouffe dans le sang qui me sort de la bouche, je vais vomir, dégueuler mon sang et ma vie. Le carrelage froid contre ma joue écrasée, la voix de Lola en sourdine. Un coup à la tête dissipe mon champ de vision dans une tache de brume qui s’étend et m’enveloppe tout entier. Dans la pièce à côté, tout le monde crie et s’embrasse. Personne ne peut nous entendre. Il est minuit. Le dernier des Trois Tribunaux. Que le procès s'achève. | |
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