Altaïr
| Sujet: Fragment #20 – Un matin 11.10.09 22:31 | |
| Lundi 12 octobre 2009 à Paris Ben vient me réveiller, c’est bientôt l’heure de partir au Collège. Je sors de sous ma couette, rejoins maman dans la cuisine et m’installe à table au milieu des tartines et des odeurs de café. Maman verse du lait dans mon bol, l’odeur écœurante et chaude emplit mes narines et je m’en écarte rapidement. Quelques céréales, je mélange, les Smacks ont une fâcheuse tendance à ramollir très vite, alors il faut se dépêcher. Tout le monde le sait : il n’y a rien de pire qu’un Smacks mou. Un peu de cacao, je mélange encore, le lait prend sa couleur chocolat et l’odeur devient délicieuse. Je soulève le bol jusqu’à mes lèvres et avale à grosses gorgées bruyantes. Maman me donne un coup de Oops ! sur la tête, pour me taquiner, et je file à la salle de bain. De loin, tandis que je ferme la porte, j’entends maman dire à Ben : « Il va falloir mettre le chauffage un de ces jours, mon grand-père l’a déjà fait depuis une semaine. - Bof, moi ça va, je trouve qu’il fait encore bon. - Tu as de la chance alors, moi je suis frigorifiée. » C’est vrai que le temps se rafraichit, on le sent bien. C’est pour ça que je déteste me laver la figure les matins d’hiver : le contact de l’eau me répugne quand il fait froid. Je prends mon courage à deux mains, retrousse mes manches, et ouvre le robinet. Du bout de l’index, je vérifie que la température augmente, puis m’asperge le visage en grimaçant comme un chat. L’eau ruisselle sur mes bras et coule dans mon pyjama, je frissonne de dégoût et me jette sur le savon : plus vite ce sera fait, plus vite je me sècherai. La porte s’ouvre, c’est tante Nikki, elle vient récupérer le sèche-cheveux de maman car le sien ne marche plus. Il est tôt, mais elle empeste déjà le parfum, et l’odeur âcre de si bon matin m’irrite le nez et me fait éternuer. J’entreprends de me brosser les dents avec le Fluocaryl de Ben et maman, une espèce de pâte horrible et farineuse. Je compte dans ma tête, mais sans tenir les trois minutes réglementaires : comme chaque jour, le rituel s’arrête au bout d’une soixantaine de secondes. Je prends de l’eau dans ma bouche, elle est encore chaude, berk, je recrache aussitôt. Des morceaux de dentifrices tombent dans l’évier, je règle le robinet sur l’eau froide et me rince les dents avec soulagement. Un coup d’œil à ma montre : il ne faut pas traîner. Vite, je cours dans ma chambre, ôte mon pyjama et enfile des vêtements chauds : jean, tee-shirt, un petit pull et de bonnes chaussettes. Ben entre et me demande où j’en suis. « Presque fini ! » Je cours dans l’entrée, m’assieds pour me chausser : des converses blanches un peu sales qui commencent à dater. Tant pis, je les aime bien comme ça, et puis vu la couleur (qui n’en est même pas une), il fallait sans doute s’y attendre. Mince, mon cartable ! Je retourne en courant dans ma chambre, ouvre le gros sac et vérifie les affaires. Si j’oublie mon livre d’anglais, monsieur Lang va hurler, comme sur Ninon la semaine dernière. Tout le monde en avait des frissons, on voyait ses postillons sauter en tous sens comme des puces et atterrir sur les visages, il a couru derrière son bureau et brandi son sceptre de roseau, il l’a fait tournoyer en l’air et son visage est devenu très rouge. Toute la classe a tremblé, ceux qui n’avaient pas de livres se sont tassés sur eux-mêmes en priant pour ne pas être découverts à leur tour. Parfois, le collège est un endroit terrible, où la peur se cache au détour d’un couloir et dans les salles de classe, où la terreur est un moyen d’action et de pression sur les êtres faibles, où les accès de colère et de domination restent monnaie courante. Parfois, j’ai l’impression de partir en pleine jungle. « Tu es prêt ? demande Ben. - Oui, une minute encore ! » Dernier détail : allumer mon ordinateur, connexion à Facebook. Changer de statut, et hop : « Enki est en cours et voudrait déjà revoir le printemps. » Je pourrai penser au soleil tout au long de la journée, mais il ne viendra pas. Il est enfoui sous des nuages gris et veloutés. Il ne sera plus là avant longtemps.
Dernière édition par Altaïr le 16.10.09 13:38, édité 2 fois | |
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Tureïs
| Sujet: Re: Fragment #20 – Un matin 11.10.09 22:41 | |
| Il nous manquait le petit Enki ! | |
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Procyon
| Sujet: Re: Fragment #20 – Un matin 12.10.09 13:56 | |
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Miaplacidus
| Sujet: Re: Fragment #20 – Un matin 21.03.10 16:45 | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #20 – Un matin 21.03.10 19:33 | |
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| Sujet: Re: Fragment #20 – Un matin | |
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