Dimanche 20 décembre 2009
à Paris
18h34. Je m’ébroue en rentrant dans l’immeuble. Comme un chien qui sort de l’eau, je me secoue en rentrant au chaud. Gants enlevés, écharpe accrochée au porte-manteau, chaussures laissées sous le radiateur de la salle de bain, c’est complètement nu de tout ces apparats qui tiennent chaud que je me présente à table. Laura vient de me faire couler un bon chocolat chaud. Les mains dans ses manches de pull elle s’assoit et entreprend de tremper le bord de ses lèvres dans sa tasse de thé au jasmin.
« Comme tu t’en doutes, il fait vraiment pas chaud dehors. A la pharmacie à côté ils affichent moins quatre degrés.
- On peut au moins s’estimer heureux de ne plus avoir de neige. Je viens de rappeler Maman, elle préfère que tu attendes encore pour rentrer. Elle dit qu’il y a trop de neige à Dijon pour qu’elle vienne te chercher à la gare.
- Quelle trouillarde ! Qui est-ce qui pourrait lui monter les pneus-neige sur sa voiture ?
- Je ne sais pas.
- Elle t’a dit qu’il y avait combien de neige ?
- Il est tombé plus de quinze centimètres depuis jeudi, et quand j’ai appelé il neigeait encore. Elle dit également que ça ne fond pas. Le thermomètre est descendu jusqu’à moins dix-huit dans la nuit de samedi à dimanche.
- Mouais.
- J’ai hâte de revoir le retour du réchauffement climatique.
- Tu crois pas qu’on est en plein dedans ?
- Vu le temps qu’il fait je ne le ressens pas.
- Justement, schématiquement on a réchauffement climatique égal fonte des glaces au pôle Nord égal plus d’eau froide dans l’océan atlantique égal ralentissement puis disparition du Gulf Stream égal plus d’apport d’air chaud sur l’Europe égal nouvelle glaciation.
- Je ne pensais pas que ça allait si vite.
- T’as raison, je voulais juste te faire peur. Non là si il neige c’est juste parce que nous sommes en hiver, mais ce scénario est très probable et des scientifiques font des tas de calculs qui arrivent à des résultats similaires. Et qui pourraient survenir dans seulement une cinquantaine d’année.
- Tu as l’air bien renseigné sur le sujet.
- Ben oui, depuis que je ne bosse plus, j’ai du temps pour trainer sur Internet. Et puis avec la conférence de Copenhague j’ai eu envie de me renseigner. Et d’un lien à un autre on découvre des trucs hallucinants.
- Bon en tout cas je ne pense pas que tu pourras rentrer avant mardi.
- C’est pas grave, je vais pouvoir voir Lilian une dernière fois avant de rentrer.
- Et surtout on pourra prendre le train ensemble, j’ai réussi à poser deux jours de congés. J’ai mercredi, jeudi, et comme vendredi est férié, je pourrai rester jusqu’à dimanche midi à Plombières.
- Ca c’est vraiment cool !
- Tu veux manger quoi ce soir ?
- Je sais pas. Comme tu veux. Comme tu feras ce sera bien. »
Je laisse mon bol dans l’évier, et vais dans ma chambre. J’allume l’ordinateur pour trainer sur Facebook avant de manger. J’ai envie de faire autre chose, mais j’ai aussi du mal à quitter Paris. Ma vie n’est pas là, et pourtant je sens que ça va me manquer. Ça va me manquer de courir dans le jardin du Luxembourg, ça va me manquer de râler dans le métro le matin. Ça va me manquer de ne plus vivre avec ma sœur, de ne plus voir personne de connaissance, de ne plus trouver de restaurant ouvert au milieu de la nuit ou de distributeur de billet à chaque coin de rue…
J’ai peur de commencer une nouvelle vie ; seul ; loin.