Fragment #179 – Back to life

“Sylvia! What the hell are you doing here?”
Erick se lève de sa chaise, et je sens que s’il avait été un peu plus athlétique, il aurait sauté par-dessus son bureau pour me prendre dans ses bras.
“They let me out for New Year.
- My God, look at you, you are gorgeous! So… Healthy!”
Ca me percute en plein estomac. Tu m’étonnes, coco, que j’aie l’air en bonne santé, j’ai repris huit kilos six cents ; rien qu’à cette idée, j’ai envie de vomir. La thérapie marche moins bien que le gavage.
“So tell me, how are you? Are they nice with you? Considering the money I give them, I hope they are… When do you have to go back there? Do you want a coffee?
- My fucking God, yes, I want a coffee and a fucking cigarette. They want me to quit smoking, I have to hide… You sent me to jail, Erick.
- Don’t be stupid, that was your idea. And I’m sure I can find you work, now.”
Je sais bien qu’il a raison, et au fond, je sais que c’était une bonne idée. C’est vrai que je me sens mieux, je fais moins de malaises, et puis ils me fournissent mon traitement gratuitement. Mais je ne suis pas sûre de pouvoir oublier à quel point j’ai été mal au début, je revoyais mon séjour à l’hôpital à Madrid, les seringues et les infirmières trop brutales. Pourtant la clinique n’a rien à voir avec un hôpital, les murs sont couverts de couleurs gaies, il y a une piscine intérieure chauffée, et surtout, les repas sont bons (tu m’étonnes, pour refaire manger des anorexiques, ça aide) ; alors j’ai vite décidé de faire ce pourquoi j’étais là : reprendre du poids. Il y a toujours un bordel monstre dans ma vie, mais je me sens forte, je sais que maintenant je peux faire face. Je vais me faire une liste de bonnes résolutions pour 2010 : travailler d’arrache-pied, pour peut-être devenir un mannequin reconnu. Quitter mon appartement misérable et mon proprio lubrique, ne plus penser à Lulla… Petit à petit, j’arrive à me résigner, mais son image revient toujours me hanter, ses lèvres, ses yeux, son corps… J’en frissonne.
Il me regarde d’un air bienveillant.
“I’m so happy to see you, Erick.”