Mintaka
| Sujet: Fragment #81 - Welcome back Home 12.04.08 17:35 | |
| Mercredi 3 octobre 2007 à Dijon Ces murs blancs, que je ne connais que trop. Ceux de l’hopital. C’est la seule sortie que Maman m’autorise depuis la belle frayeur que je leur ai fait à tous. Cela dit, elle n’a pas tort : quel est le meilleur endroit pour avoir un malaise que l’hopital ?! Je viens ici souvent, les infirmières commencent à me connaître, à force. Faut dire qu’avec ma silouhette de baleine, un aveugle m’aurait remarquée. J’en ai vraiment marre… Vivement que Kokhavah soit là. Je reste par contre toujours aussi distante avec la maman de Deborah. Je me sens gênée par rapport à elle, comme pas à ma place. Je passe mes après-midi au chevet de cette fille, de qui je ne sais rien, finalement. Je la regarde dormir, je guette son sommeil agité faire trembler ses paupières. Je me demande ce qu’il peut bien se passer dans l’esprit d’une jeune fille dans le coma. Est-ce qu’elle nous perçoit ? Est-ce qu’elle réfléchit à sa vie, à ses erreurs ? Est-ce qu’elle lutte contre l’envie d’en finir et de s’endormir une bonne fois pour toutes ? Je n’arrive même pas à imaginer qu’elle puisse se réveiller. Et puis qu’est ce que je lui dirais ? « Salut, tu ne te souviens pas de moi mais c’est moi qui t’ai ramassé devant l’arrêt de bus il y a des semaines… » Oui, et alors me direz-vous ?! Et alors ?… La même question me hante presque nuit et jour. Quelle est cette force qui me pousse à venir ici presque tous les jours, à la regarder dormir en espérant qu’elle se réveille ? Je devrais m’occuper de moi, de ma grossesse, de ma fille qui va bientôt pointer le bout de son nez… Et non, je suis ici. Tantôt concentrée sur la moindre des réactions de la jeune fille, tantôt appliquée à éviter sa mère pour ne pas avoir à inventer d’explications bancales… Elle est là, étendue. Elle ne bouge pas. Et puis merde ! Je suis vraiment dingue, je ne vais pas me mettre à croire aux histoires de Julian non ? Ces histoires de clan, de liens entre des personnes complètement étrangères. Non, moi je ne veux pas prendre part à leurs délires, je vais partir de cette chambre, de cet hopital, et ne plus y refoutre les pieds. Je me lève, difficilement. Et me retourne vers la porte quand un bruit inhabituel des machines reliées à la jeune fille m’interpelle. Je les connais tous par cœur maintenant, l’habitude. Je me retourne comme un réflexe, et suis foudroyée par le regard bleu ciel de la jeune fille, perdu dans le vide. Je me rend compte que c’est la première fois que je vois ses yeux, et j’en suis complètement boulversée. Je sors de la chambre en criant : « Hey s’il vous plait ! Elle a ouvert les yeux !! » Le personnel accoure, presque étonné. Alors eux non plus n’y croyaient plus ? Je reste en retrait, les regardant s’affairer autour d’elle. Je me retourne et je pars. Elle est réveillée. La réalité va reprendre ses droits, et je ne fais pas partie de sa réalité. Peu importe. Elle est en vie, et j’ai l’impression d’être libérée d’un poids, d’une mission. Je sors devant l’hopital et attrape mon portable dans mon sac. Message à la seule personne susceptible d’être intéressée. « Ca y est ! Déborah s’est réveillée ! Je suis avec elle à l’hopital. Tout va bien. A bientôt. Lola »
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