Jeudi 8 avril 2010
à Kouandé
8h57. Je creuse depuis quelques minutes seulement. La terre semble moins dure que la dernière fois. Nous ne sommes peut être plus dans la même couche de sol. Peut-être qu’on se rapproche du fond, de la nappe, de l’eau. Je suis un peu excité. Je plante la pelle, le bruit n’est pas habituel, il est métallique. Je me retourne et creuse de l’autre côté pour remplir le seau de Manu. Il remonte avec son deuxième seau. J’espère qu’il n’a pas entendu. Ne me demandez pas pourquoi, mais je veux garder pour moi la primeur de cette découverte. Je veux sortir du trou en leur montrant la pierre précieuse que je viens de trouver. Je me dépêche de creuser en attendant qu’Eva arrive.
Ce n’est pas une pierre précieuse. C’est une boîte en métal. Je m’agenouille pour l’observer. Elle a la taille d’une boîte à gâteaux. D’un revers de main j’enlève la terre qui colle au couvercle. Elle semble ancienne mais n’est pas rouillée ; sur une grosse étiquette vieillie on peut lire en majuscule « ALEXANDRE ». Je me dépêche de jeter une gosse pelletée de terre dessus ; pour la cacher, la dissimuler. Elle m’est destinée j’en suis sûr. Je lève la tête, Eva est au dessus du trou, elle descend avec son seau. Elle ne fait aucune remarque, je ne crois pas qu’elle ait vu la boîte.
Je mets la boîte dans un seau, je la recouvre de terre, mais je ne rempli pas le seau, comme ça quand ils descendent ils ne prennent pas celui-là. La terre redevient plus dure. Nous n’avons pas changé de couche géologique, cette boîte n’est pas enterrée ici depuis des siècles. Il y a tout simplement quelqu’un ici qui souhaitait me transmettre quelque chose. Et qui est venu l’enterrer ici en sachant que je le trouverai. C’est quelqu’un de proche de nous qui savait que ce serait à mon tour de creuser aujourd’hui. C’est quelqu’un qui n’est pas loin puisqu’il l’a déposé dans la nuit, et que d’ici on n’arrive et on ne part pas si facilement.
Je me pose des centaines de questions. Qui ? Pourquoi ne pas me le donner en main propre ? Quoi ? Est-ce dangereux ? Est-ce vraiment pour moi ? Qu’attend-t-on de moi ? Qu’est-ce que c’est ?
C’est l’heure. Je laisse la pelle au fond du trou, et je remonte avec mon seau que j’ai finalement rempli. Je prends la route, je vois, droit devant, Manu qui revient. Eva et Zambo sont déjà près de l’arbre en train de se désaltérer. Je marche droit, je souris à Manu en le croisant, comme si rien ne s’était passé.
Arrivé au monticule, je le contourne, je creuse un peu, et je vide mon seau dans cette montagne de terre. La boîte est cachée. Je viendrais voir plus trad. Seul.
Je retourner vers les autres. Ils n’ont rien vu, je suis fier de moi. Fier de quoi ? Fier de leur cacher quelque chose ? Et si c’était un cadeau pour moi ? Non, ce n’est pas mon anniversaire. Ni ma fête, ni quoi que ce soit d’autre.
Je bois un coup. Eva me sourit. Je crois qu’hier on s’est un peu rapproché. Evidemment elle a dormi dans sa case, et moi dans la mienne. Il n’y a même pas eu de baiser d’échanger, mais je crois qu’elle me voit un peu plus comme une possibilité. Ce matin, elle m’a serré la main, comme tous les jours, mais en ce moment elle me sourit. Je ne rêve pas. Et si c’est elle qui m’avait fait un cadeau ? Non, pas possible, elle était avec moi hier soir.