Lundi 13 avril
à Ravilloles,
Quinze heures. Je viens d’arriver à Ravilloles. Endroit perdu au fin fond de la forêt jurassienne. D’ordinaire cela m’enchante car je peux m’y ressourcer. Mais là, revoir mes parents tous les jours pendant deux semaines va vraiment me taper sur le système. Et puis, voir Elliott aussi. Il faut qu’on se parle. Je ne sais pas si c’est une bonne chose de continuer avec lui.
A peine rentrer, les bras occupés par l’énormité de mes affaires, je monte directement les poser dans ma chambre.
Petite chambre occupée par une montagne de souvenirs. Je pose toutes mes affaires sur mon lit, à l’entrée et contemple cet endroit, le reflet de ma vie au cours de ces quinze dernières années.
Les murs sont tapissés de posters et de grosses productions hollywoodiennes, mes sorties cinéma avec Elliot et Victor.
Le mobilier, très infantile, et tous les jeux qu’on a pu inventer grâce à eux, avec Laura, la voisine et la fille du Dut’, le maire.
Les pochettes raisin que j’utilisais au Lycée pour transporter mes projets d’art plastiques. Elles sont encore pleines. Il faudrait que j’y jette un coup d’œil.
Ma petite boîte à lettres. Celles où je stockais toutes les lettres de mon "amoureuse" de Madagascar lorsque j'y vivais. Elles y sont encore.
Quelle naïveté.
Ma mini chaîne stéréo fait ressurgir dans ma tête la chanson d’Alanis Morissette :
Hands Clean, la chanson de Victor. Certes démodée et atypique de la part d’un adolescent, mais Sa chanson. La première que j'ai écoutée après sa mort.
Dans le même registre, les traces rouges, à cheval sur le sol et sur la porte de ma chambre. On dirait du sang. Peut être que s’en est. A vrai dire, il y a un mélange de peinture et de je ne sais quoi là dedans. A défaut d’avoir inventé une peinture révolutionnaire, j’aurais inventé la tache indélébile.
Oui, tout ici me fait penser au passé. Passé qui devrait rester là où il est. Je me passerais bien du souvenir des commentaires du Jackier, le maître d’école, devant toute la classe, pour me ridiculiser à l’école primaire. Tout comme de la « pseudo-amitié » du Jon ou du Vince. Je ne sais même plus combien de fois j’ai souhaité leurs morts. Pas assez souvent en tout cas.
Mon regard se pose à nouveau sur mes affaires, en tas, sur mon lit.
Je vais passer de bonnes vacances…
Heureusement qu’internet est là pour me faire sortir de cette bulle qui m’a oppressé pendant trop longtemps. J’arrive sur facebook, le profil de Mickaël. Il vient de m’ajouter.
Mon Dieu, que deviendrait-on sans facebook ? Je constate qu’il envoie des messages à une amie à lui qu’on a rencontrée à Lyon, pendant qu’on se baladait en ville. Tiens, pour lui, je ne suis qu’un « type rencontré au Maroc ». Même si je n’étais pas très chaud pour le revoir dès le début, après ce qu’on a vécu, c’est limite vexant. J’ai l’impression d’être « un pauvre type », un « déchet de ses conquêtes ». Très sympathique comme qualificatif en tout cas.
Ma déception d'être dans ce lieu est encore plus renforcée...
J’en suis convaincu, le bonheur est à Ravilloles.