Sargas
| Sujet: Fragment #44 - Silence 11.04.08 22:23 | |
| Dimanche 4 novembre 2007 à Lille Je suis seul à l'appartement. Le silence a envahi le lieu. Pas de musique. Pas de télévision. Pas de sœur. Claire est partie avec mes parents mercredi, ceux-ci voulant la protéger de moi certainement. Je ne leur en veux pas. Finalement, j'en avais besoin de cette solitude. Il n'y a qu'une personne que je voudrais présente. J'ai son carnet rempli de notes, de mots, de pensées. J'ai commencé à lire, sans réellement essayer de comprendre tout ce qu'elle voulait dire. Je cherche dans ces lignes un indice sur sa destination, sur un lieu où je pourrais la retrouver. Au bout de deux heures de lecture, j'abandonne cette idée, les mots décrivant principalement ses sentiments, ses peines, son voyage. Je reprends le carnet depuis le début et commence à lire, doucement, prenant le temps de m'imprégner de chaque mot, comprenant que Sofia m'offre ici une ouverture sur son coeur. Je regrette déjà mon geste. Il avait l'air si bien. Je l'ai regardé un long moment en train de dormir. Nous venions de passer une nuit merveilleuse, dans les bras l'un de l'autre, nos corps liés. Mais déjà, en moi grandissait la honte. Comment puis-je lui faire cela? Lui qui est si gentil avec moi. Il m'aime, je le sais, et je ne crois pas que beaucoup de personnes sont aimées comme je le suis. J'ai mis des affaires dans mon grand sac, me suis habillée et je lui ai écrit un mot. Je n'ai pas réussi à lui dire en face, ni à lui écrire les raisons de mon départ. J'ai trop peur de le décevoir. Je le déçois. Je l'ai embrassé alors qu'il dormait. Un ultime baiser avant de disparaître. Lâche. Je suis une lâche. Mais je veux que Damien soit heureux. Je sais qu'il va souffrir et cela me détruit intérieurement. Mais il comprendra et je l'espère, vivra. Je ne saurai pas lui donner ce qu'il voudra par le futur. Je suis partie, fermant doucement la porte. Claire m'attendait à Valenciennes. Je lui ai donné les clefs de l'appartement et quelques effets personnels. Elle a beaucoup pleuré. Je sais qu'elle me considère comme sa sœur et je dois avouer qu'il est très douloureux de me séparer d'elle aussi. Elle, Damien et leur famille étaient ma famille. Je n'en ai pas eu. Pas de vraie... Je ne sais pas ce que je ressens à la première lecture de ces confessions. Son choix, la douleur de ce choix. Je ne comprends pas. Je veux comprendre pourquoi elle est partie. La raison de sa honte. Depuis un an, mon envie d'avoir des réponses n'a jamais été aussi grande. Je suis partie depuis une semaine. Damien me manque. Pas une seconde ne passe sans que je veuille le voir, le serrer dans mes bras, sentir ses lèvres se poser sur les miennes. Là où je me trouve actuellement n'est pas accueillant. Lille me manque. Ici tout est différent. Je ne connais personne. Elle ne donne quasiment pas de détail sur le lieu où elle était. Juste que ce lieu ne lui était pas familier et qu'elle s'y était rendue en train. Je parcours encore quelques pages. Rien. Aucun indice. Je suis déconcerté. Frustré même. Je fais les cent pas dans le salon allant du canapé à la baie vitrée, de la baie vitrée à la table de salon. Je n'arrive pas à me calmer. Claire m'a juré que Sofia avait quitté la ville juste après être passée à l'appart' pour déposer le paquet. Elle m'a aussi promis qu'elle ne savait pas où Sofia repartait. Mais j'ai des doutes. Je sens en moi un flot d'acide se répandre dans mes veines. Je sens le sang battre sous mes tempes. L'affreux mélange est en train de se produire. Je peux le sentir. La colère, la frustration comme réactifs, l'acide brûle mon sang et fond dans mes veines. Je le sens atteindre mon cœur, puis ma tête. Un instant, des pulsions de sang traversent mon esprit. Des visions du monstre de mon cauchemar, du sang sur la chemise de nuit de Sofia, la cicatrice sur mon poignet. Le fin tracé de la lame sur ma peau. J'essaie de me contrôler mais je suis prêt à voir surgir le monstre d'acide par ma cicatrice. J'observe la forme de celle-ci. Il y a plusieurs points où la lame s'est enfoncée un peu plus, où elle a tourné. Le tout forme un étrange dessin. Une constellation de micro cicatrices dans la cicatrice elle même. Je reste un long moment face au vide sur lequel ouvre la baie vitrée. Ce vide qui fait écho à celui laissé par son départ. La nuit est tombée. L'appartement est plongé dans le noir. Un rectangle de lumière se découpe en reflet sur le verre. Je me retourne, Claire est sur le seuil. Nous nous fixons un long moment. Sans un mot, elle pousse ses sacs dans sa chambre, puis revient. « Tu as faim ? J'ai ramené quelques trucs de chez les parents. Ils te passent le bonjour et espèrent... - N'en fais pas trop. Te force pas. Te sens pas obligée de parler. » L'acide a transformé mes mots et ma voix. Je regrette mes paroles et essaie de me rattraper aussi vite mais Claire a déjà la tête baissée. « Je suis désolée Damien. Je comprends. Je vais dans ma chambre. Bonne soirée frangin. » Merde, Sofia, que voulais-tu réellement m'épargner, me cacher qui valait toutes ces souffrances ? Je ne comprends pas. Absolument pas. | |
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Tureïs
| Sujet: Re: Fragment #44 - Silence 02.02.09 5:15 | |
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